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Le chef Andersen Lee s'est plongé dans la cuisine chinoise, lui qui avait toujours été spécialisé dans la cuisine occidentale. Ce retour aux racines lui a révélé qu'il était bel et bien... montréalais! | Photo : Radio-Canada / Alexis Boulianne

Oncle Lee. Le nom du nouveau restaurant de l’équipe du Bouillon Bilk est un peu trompeur. On s'attend peut-être à voir un homme d’âge mûr joyeusement bedonnant aux commandes de la cuisine; or, c’est plutôt le jeune chef Andersen Lee, à peine la mi-vingtaine, qui pilote la plus récente adresse du groupe qui vient d’ouvrir dans le Mile End, sur l'avenue Laurier Ouest.

On l’a rencontré dans son nouvel établissement quelques jours avant l’ouverture officielle. Accoudé au bar, il a partagé avec Mordu ses motivations pour ouvrir un restaurant, au moment où ceux qui ferment sont nombreux. Il s’est aussi confié sur la quête identitaire qui l’a mené à créer le menu chinois-montréalais de l’Oncle Lee.

La jeune et dense carrière d’Andersen Lee donne le vertige. Entre le moment où il a commencé à laver des assiettes au restaurant de sa sœur et ses stages pour les meilleures tables de la planète, il ne s’est écoulé que quatre ans. Déjà, à 23 ans, il venait de compléter un passage à l’émission Les Chefs! et il se faisait offrir le poste de chef de cuisine au restaurant Cadet, petit frère du gastronomique Bouillon Bilk.

Moins de deux ans plus tard, le voilà qui s’apprête à ouvrir son premier restaurant, toujours sous le parapluie du groupe Bouillon Bilk. Les copropriétaires, François Nadon, Émile Collette et Mélanie Blanchette, lui ont confié cette ouverture pour le moins attendue : le World’s 50 Best (les 50 meilleurs restaurants du monde) a inclus l’Oncle Lee dans une liste des ouvertures les plus excitantes du monde(Nouvelle fenêtre) en 2024.

De la gastronomie à une cuisine détendue

L’organisation World’s 50 Best Restaurants lui a décerné une bourse en 2019 afin qu’il puisse faire des stages à Singapour, à Londres et à Mexico. J’avais faim, je voulais apprendre, faire du gros trois macarons [Michelin], raconte Andersen Lee, bien installé au comptoir de son restaurant tout neuf.

C’est ce qu’il a fait. Là-bas, on cuisinait pour des Adele, des David Beckham et des Miss Japan. C’est cool, mais il n’y en a pas un qui est voisin d’ici, dit-il en pointant vers la rue Laurier.

Il a alors réalisé ce qu’il voulait vraiment faire.

« Quand je suis parti de Montréal, je pensais que la scène culinaire, ici, n’était pas assez sharp, comparativement au reste du monde. Quand je suis revenu, j’ai réalisé que la restauration, ici, c’est unique. C’est abordable, le serveur est top, il a l’air de toi et moi. »

— Une citation de  Andersen Lee

Lorsqu’il travaillait au Bouillon Bilk, un restaurant assez chic, le chef avait un rêve, celui d’ouvrir un restaurant. Je voulais un Bouillon Bilk chinois, un gros resto gastronomique, parce que j’étais là dans ma carrière, explique-t-il. Mais à son retour de stage, il apprend à aimer la cuisine du Cadet, un restaurant plus décontracté du même groupe.

Ouvrir un resto en 2024, projet insensé?

On pourrait penser que le climat économique refroidit les ardeurs des restaurants. Il semble qu’il n’en est rien. Moi j’entends juste du positif. Ça a bien du sens d’ouvrir un petit restaurant gastronomique relaxe, avance-t-il. Avec la terrasse [qui double la capacité du restaurant en été], ça a encore plus de sens.

Le riz frit de l'Oncle Lee est assez classique, sauf peut-être pour la garniture composée de chou frais, d'algues et de coriandre.
Le riz frit de l'Oncle Lee est assez classique, sauf peut-être pour la garniture composée de chou frais, d'algues et de coriandre. | Photo : Radio-Canada / Alexis Boulianne

Avec des portions adaptées à un couple ou à une table de quatre personnes, les plats de l’Oncle Lee coûtent entre une quinzaine et une cinquantaine de dollars : Je veux que tu sortes de là et que tu sois plein pour de vrai.

Au Cadet, j’ai vraiment compris comment on peut faire beaucoup de volume, mais que la bouffe soit simple et délicieuse. C’est un peu ça le concept finalement : abordable, petit espace, gros volume, résume-t-il.

« On vise la meilleure valeur pour le prix, la plus haute qualité de bouffe pour le plus grand nombre de clients. »

— Une citation de  Andersen Lee

Et le problème de pénurie de main-d’œuvre? Le jeune chef signale que ce n’a pas été un défi. À cause du groupe Bouillon Bilk, on a pu prendre des gens et les amener ici, explique-t-il. Mais aussi parce que c’est un nouveau resto, on reçoit beaucoup de candidatures. Cela dit, on cherche sans arrêt parce qu’on veut ouvrir sept jours à partir de février.

Il cite aussi la réputation du Bouillon Bilk en tant qu’employeur, qui n’est plus à faire. Je suis quand même très chanceux d’avoir des partenaires avec la réputation du Bouillon. Ils travaillent très fort et les restos marchent bien, juge-t-il. La philosophie a toujours été d’être rigoureux et organisé, mais de s’amuser. On n’a jamais engueulé personne. Ce côté-là, je l’ai vu à Londres et je n'ai pas aimé ça.

À la recherche de la cuisine chinoise

Andersen Lee l’admet d’emblée : il n’est pas spécialisé en cuisine chinoise. Lorsqu’il était plus jeune, sa mère d’origine taïwanaise cuisinait davantage une cuisine fusion que traditionnelle. Je ne connais pas la nourriture chinoise "chinoise", dit-il. J’ai grandi en mangeant du saumon mariné au gingembre et à l’oignon vert, par exemple, ma mère faisait ça tout le temps. Ce n'est pas chinois, c’est zéro traditionnel, c’est juste bon.

Il a appris la cuisine française à l’école, puis il a fait ses armes dans un restaurant dont la cuisine est fortement inspirée de la gastronomie française. Avec l’Oncle Lee, Andersen Lee a finalement l’impression de se rapprocher des cultures de ses parents.

Il lui a fallu apprendre les rudiments de la cuisson au wok, un véritable art dont la maîtrise s’acquiert après des années de pratique. Mon père [originaire de Hong Kong] m’a amené au restaurant d’un de ses amis pour voir comment ils sortaient un riz frit, dit-il, admiratif. Ça se passe en deux secondes.

J’ai voulu m’éloigner de la gastronomie occidentale, parce que je veux me retrouver dans ma culture, mais je ne suis pas chinois, raconte le chef. Cette quête identitaire semble avoir trouvé une sorte de conclusion récemment :

« J’ai réalisé que ma culture, c’est chinois montréalais. »

— Une citation de  Andersen Lee

Andersen Lee voulait recréer l’ambiance des restaurants chinois plus traditionnels du quartier chinois, comme le Beijing et le Mon Nan, où les grandes assiettes débordantes de viandes braisées, de légumes vapeur et de nouilles sautées remplissent la table et sont partagées entre les convives.

Il n’y a rien de fou sur le menu, il n’y a pas de tripes, je ne veux pas faire un point qu’il faut manger des testicules, dit Andersen Lee en riant. Les gens viennent, ils peuvent dire "je sais pas c’est quoi des dao xiao mian, mais je sais c’est quoi des nouilles épicées au sésame.” C’est vraiment [accessible].

Bien sûr, l’influence française contemporaine est présente d’un bout à l’autre du menu avec le tartare de bœuf, les œufs mayo, et le contre-filet : C’est dur à décrire… c’est très Montréal. À l’image de sa culture culinaire.

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Oncle Lee
222 Av. Laurier Ouest

Le chef Andersen Lee s'est plongé dans la cuisine chinoise, lui qui avait toujours été spécialisé dans la cuisine occidentale. Ce retour aux racines lui a révélé qu'il était bel et bien... montréalais! | Photo : Radio-Canada / Alexis Boulianne