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Trois des sept adresses de Mamie Clafoutis seront converties en magasins en libre-service.  | Photo : Gracieuseté : Mamie Clafoutis

Devant le manque criant de personnel, la chaîne de boulangeries Mamie Clafoutis se tourne vers le libre-service et va automatiser son service à la clientèle dans plusieurs succursales, a appris Mordu. Les travaux commenceront ce printemps. C’est ce qu’a expliqué en entrevue le cofondateur de l’entreprise Nicolas Delourmel, qui prépare dès cette année sa clientèle à de gros changements.

Juste après la pandémie, c’était la catastrophe, se désole Nicolas Delourmel, copropriétaire de Mamie Clafoutis, qui compte sept adresses à Montréal et à Ottawa. Les heures d’ouverture ont été réduites à juste un shift par jour, et on a dû fermer le lundi et le mardi, raconte-t-il. Le chiffre d’affaires baissait à cause de ça. Ça fait très mal de fermer deux jours. Ce Noël, sur une équipe de 12 personnes, il y en a 4 qui ont démissionné le 23 décembre.

Le moment était venu, d’après celui qui a fondé l’entreprise en 2008 avec Joseph Sabatier, de penser à une solution de rechange. Moi, en tant que président, mon but, ce n’est pas de régresser, lance-t-il. L’idée : ne plus dépendre du personnel pour faire rouler les succursales.

« On le voit, il y a beaucoup de commerces qui ferment. Si on veut perdurer, il faut se réinventer. »

— Une citation de  Nicolas Delourmel, co-propriétaire

Un modèle hybride

C’est un virage à 180 degrés : de petite chaîne de boulangeries caractérisées par des salles à manger confortables meublées de sofas et de canapés, Mamie Clafoutis deviendra bientôt un commerce en libre-service que son cofondateur compare à un magasin Apple. La caisse existera toujours, mais la clientèle sera prise en charge par un ou une membre du personnel avec un appareil de paiement mobile.

« C’est comme chez Apple, avec des caissiers volants. Ils ont leur téléphone, ils peuvent encaisser les achats. Le personnel sera debout dans le magasin, pour accueillir, aider et diriger les gens. La personne prend sa baguette, va voir un commis-vendeur, sort et puis c’est fini. »

— Une citation de  Nicolas Delourmel

La clientèle pourra se servir son café elle-même, en libre-service, grâce à une machine d’origine suédoise. Un four sera aussi mis à la disposition pour que les gens puissent réchauffer leur sandwich.

L’entreprise avait déjà commencé à tester le concept à l’adresse de L’Île-des-Sœurs à cause de la difficulté de trouver du personnel pour y travailler. Cette nouvelle disposition sera mise en place à partir du mois de mai à la succursale de Mamie Clafoutis sur la rue Saint-Denis, à Montréal, et sera aussi installée à l’adresse de la rue Van Horne, à Outremont.

Une telle transformation entraîne aussi un changement de l’image de la marque. Les succursales qui adoptent ce nouveau système vont porter le nom de Mamie Clafoutis BASIQ. Une nouvelle signature qui sera apposée auprès du logo de l’entreprise.

Un système pour offrir plus de temps avec la clientèle

Avec l’aide de l’École Bensadoun de commerce au détail de l’Université McGill, qui pilote aussi la recherche sur le dépanneur automatisé de Couche-Tard, Mamie Clafoutis a mis en place ce modèle qui lui permettra d’habituer sa clientèle au concept du libre-service. Cette idée est de plus en plus acceptée depuis la pandémie, constate M. Delourmel.

L’expertise de McGill a permis de mettre en lumière que le personnel passait 60 % de son temps derrière une caisse et 20 % à faire des cafés. Seulement 10 % de son temps était réellement consacré au service lui-même.

Nicolas Delourmel espère qu’en plaçant une personne au milieu du plancher où les gens feront leurs achats, celle-ci pourra mieux les conseiller et avoir un meilleur contact avec la clientèle.

« Est-ce qu’un magasin autonome offre moins de service? Au contraire, on va multiplier le temps pour le service à la clientèle. »

— Une citation de  Nicolas Delourmel

Le projet est donc d’avoir un peu moins de personnel en temps normal. Mais on veut que si le personnel vient à manquer, le magasin [puisse] quand même rouler, dit-il.

À long terme, c’est une automatisation complète que vise l’entreprise, soit la possibilité d’être ouvert 24 heures sur 24.

Nicolas Delourmel et Joseph Sabatier, les cofondateurs de Mamie Clafoutis, veulent que leur entreprise continue d'évoluer malgré le manque de main-d'oeuvre.
Nicolas Delourmel et Joseph Sabatier, les cofondateurs de Mamie Clafoutis, veulent que leur entreprise continue d'évoluer malgré le manque de main-d'oeuvre. | Photo : Gracieuseté : Mamie Clafoutis

Et le copropriétaire est catégorique : les coûts de l’automatisation sont désormais moins élevés que ceux de la pénurie de main-d’œuvre. Ça pourrait nous coûter entre 5000 $ et 8000 $ par mois, plus les employés qu’on paie quand même, explique-t-il. C’est rentable si on peut ouvrir 24 heures sur 24, c’est là qu’on va aller chercher le bénéfice.

On s’est déjà retrouvé à ne pas pouvoir ouvrir la boutique parce que les deux personnes qui étaient censées travailler n’étaient pas venues, dit-il. On est dans le frais, donc les produits faits pour cette journée-là, c’est perdu.

En attendant une automatisation à 100 %

La vision de Nicolas Delourmel ressemble un peu à ce qui se trouve du côté des magasins Amazon Go, aux États-Unis. Les gens peuvent y entrer librement, faire leurs achats et ressortir sans passer à la caisse. Les produits qu’on achète sont débités automatiquement. Le tout fonctionne grâce à la vision par ordinateur dans le commerce, avec des centaines de caméras et un système informatique avancé.

« La clientèle n’aurait pas de travail supplémentaire à faire. Je ne veux pas de caisses libre-service comme à l’épicerie. »

— Une citation de  Nicolas Delourmel

Les gestionnaires se sont mis à la recherche d’entreprises qui pourraient créer ce système et le lancer. Sauf qu’ils cherchent toujours : les quelques boîtes capables de réaliser le contrat n’ont pas d’activités au Canada ou elles ne font pas l’affaire actuellement. Ainsi, le projet d’automatiser complètement le service a été reporté, en attendant le bon partenaire.

Nicolas Delourmel ne pense pas être le seul gestionnaire à chercher à automatiser son service à la clientèle. Dans cinq ans, il va y avoir énormément d’entreprises qui vont fonctionner avec ce système-là, prédit-il. On est vraiment bloqué avec la main-d’œuvre.

Trois des sept adresses de Mamie Clafoutis seront converties en magasins en libre-service.  | Photo : Gracieuseté : Mamie Clafoutis