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Les tendances culinaires pour 2024. | Photo : Radio-Canada / Ariane Pelletier

La nourriture a pris beaucoup de place dans la conversation en 2023, surtout avec l’augmentation spectaculaire des prix des aliments. Mais en plus de l’inflation, de grandes tendances influenceront les décisions culinaires des gens cette année. Voici le temps de regarder vers les planètes – économiques, sociales, environnementales ou culturelles – pour savoir ce que réserve 2024 à la galaxie Alimentation.

Mordu s’est prêté au jeu de la prédiction, avec l’aide de deux experts : Guillaume Mathieu, cofondateur d’Ilot, firme de consultation spécialisée dans l’agroalimentaire, et Jordan LeBel, professeur de marketing alimentaire à l’Université Concordia.

Qu’est-ce qu’on mangera en 2024? Et pourquoi le fera-t-on?

Une année sous le signe des collations et des petits luxes

Une des tendances les plus fortes pour l’année à venir est une habitude qui s’enracine déjà depuis quelques années. Le petit luxe est une décision qu’on prend de plus en plus souvent à l’épicerie, soit celle de se gâter avec un produit d’exception ou décadent.

Le géant Kellogg’s a montré son jeu cette année en séparant sa division des collations de celle des céréales, créant ainsi Kellanova. Ce nouveau venu va se concentrer sur l’alléchant secteur des grignotines, qui offre, selon les analystes, beaucoup plus de croissance à long terme(Nouvelle fenêtre).

C’est un changement majeur qui est enclenché, selon nos experts. Les compagnies ont commencé à comprendre ce que ça veut dire, la consommation alimentaire post-pandémie , remarque Jordan LeBel. Selon lui, avec les collations, on peut allier la praticité avec la santé et le plaisir.

Exit les trois repas par jour; on voit apparaître de nouveaux moments de consommation de nourriture.  On parle maintenant de 5 à 7 "occasions d’alimentation" par jour, souligne Guillaume Mathieu, dont l’entreprise Ilot a publié le mois dernier un rapport sur les grandes tendances en alimentation, destiné aux entreprises du secteur.

« La vie coûte tellement cher aujourd’hui que c’est le dernier élément qu’il reste pour se créer du plaisir. On est capables de se gâter à travers la bouffe pour peu, comparativement au reste. C’est une soirée entre amis, un petit plaisir à la pause café… Je vais acheter ces nouvelles chips, et j’ai un petit moment d’évasion.  »

— Une citation de  Guillaume Mathieu, consultant en agroalimentaire

La planète déjeuner est populaire

Les déjeuners au resto, de plus en plus populaires.
Les déjeuners au resto, de plus en plus populaires. | Photo : iStock / margouillatphotos

Cette tendance se répercute aussi dans la restauration : les déjeuners et les entre-repas sont les grands gagnants, alors que le lunch et le souper sont de moins en moins populaires. Cette tendance s’amplifiera dans la prochaine année.

En raison de la popularité croissante des petits luxes , la facture moyenne par personne au restaurant est en baisse, alors que l’inflation est grimpante. Au restaurant, la clientèle réduit ses dépenses et préfère commander une petite entrée, une pâtisserie ou un café plutôt qu’un repas complet, selon des données de la firme Circana relayées par Restaurants Canada.

Avec l’inflation, la confiance rétrograde

Les banques alimentaires existent depuis des décennies au Canada.
Les banques alimentaires existent depuis des décennies au Canada. | Photo : iStock

Si l’alimentation a marqué les esprits en 2023, c’est surtout pour les mauvaises raisons. L’ampleur de l’inflation sur le prix des aliments a poussé de nombreuses personnes à se tourner pour la première fois de leur vie vers les banques alimentaires, qui n’ont jamais été aussi sollicitées(Nouvelle fenêtre). Même les personnes plus fortunées se serrent la ceinture et réduisent leurs dépenses alimentaires.

En conséquence, la vigilance envers les géants de l’alimentation a rarement été aussi élevée, et la confiance, aussi basse, comme le soulève Jordan LeBel. Le chercheur donne en exemple la saga des profits des grandes chaînes de supermarchés(Nouvelle fenêtre), dont certains des dirigeants ont été appelés à témoigner à Ottawa.

« La proportion de gens qui pensent que le système alimentaire va dans la bonne direction est en diminution.  »

— Une citation de  Jordan LeBel

La crise se reflète aussi chez le personnel des entreprises agroalimentaires, secteur où les grèves se sont multipliées cette année, notamment à la raffinerie de sucre Rogers(Nouvelle fenêtre), en Colombie-Britannique, à l’usine de production de sel Windsor Salt(Nouvelle fenêtre), à Agropur au Québec(Nouvelle fenêtre) ainsi que dans les épiceries Metro en Ontario(Nouvelle fenêtre).

En réaction à cette érosion de leur relation avec les consommateurs et consommatrices, les entreprises agroalimentaires prendront les devants en 2024 pour montrer patte blanche et faire la promotion de leur implication sociale, prédit Guillaume Mathieu : Avec la conscience accrue quant aux enjeux sociaux et environnementaux que la population a développée, les entreprises vont davantage mettre de l’avant leurs valeurs.

Ascendant environnement 

L’année 2023 a été celle des extrêmes climatiques(Nouvelle fenêtre). Jordan LeBel signale que les entreprises ne peuvent plus l’ignorer. On s’en va dans un mur, dit-il. Plusieurs [entreprises] n’avaient pas compris l’ampleur de la crise qui nous guette. [Mais] c’est impressionnant de voir à quelle vitesse les grandes entreprises s’adaptent.

« Dans l’agroalimentaire, tout est à réinventer : produire, vendre, emballer.  »

— Une citation de  Jordan LeBel

Ces élans de bonne volonté pourraient toutefois être freinés par le plus faible pouvoir d’achat, qui force les gens à reconsidérer leurs valeurs au moment de passer à la caisse. Pendant la pandémie, on voulait que toutes nos décisions nous donnent bonne conscience, mais là, notre portefeuille nous amène à faire les vrais choix , affirme Guillaume Mathieu.

Ainsi, des multinationales comme PepsiCo, McCain, General Mills et Danon se lancent dans l’agriculture régénératrice. Moins chère que la certification bio, cette pratique – qui n’est pas encore très réglementée – vise à conserver ou à augmenter la fertilité des sols et à améliorer la biodiversité sur une exploitation agricole. 

« On parlait de bio pendant des années. Là, on voit qu’il y a un ralentissement du bio en épicerie. Les entreprises ne veulent plus vendre plus cher à cause du bio.  »

— Une citation de  Guillaume Mathieu

Il faut donc s’attendre à voir davantage d’allégations par rapport à la santé des sols sur les emballages des aliments en 2024. Quand on parle à des petites entreprises locales, ce qu’on dit, c’est que PepsiCo s’en va là, donc tu n’as pas le choix de suivre toi aussi , rapporte le consultant.

En plus de la terre, l’eau est également dans la mire des multinationales de l’alimentation; La gestion de l’eau sera l’une des plus grandes tendances alimentaires en 2024 , titrait le média américain Forbes récemment(Nouvelle fenêtre) en s’appuyant sur des prédictions de la chaîne de supermarchés Whole Foods.

Tant pour ce qui est des emballages qu’en ce qui concerne l’empreinte en eau ou en carbone de l’alimentation, devenir plus écologique sans faire exploser les prix – déjà trop élevés pour plusieurs – sera un des grands défis de 2024 pour l’industrie.

La simplicité dans la balance

En 2024, la simplicité sera écrite dans le ciel. Elle l’était déjà dans notre article abordant les tendances pour 2023, mais sera encore davantage au rendez-vous. 

En multipliant les allégations sur ses produits, l’industrie a créé une confusion qui fait que les gens ont perdu un peu confiance; il y a un mélange d’allégations réelles et marketing , juge Guillaume Mathieu. 

Ainsi, la clientèle recherche désormais une clarté dans la description des produits alimentaires qu’elle achète. Si tu regardes les nouveaux produits lancés, l’emballage peut difficilement être plus simple que ça. Les croustilles Miette, le lait d’avoine Oatbox ou le NotMilk… quand tu marches en épicerie, c’est ça qui ressort , soutient-il. Ça vaut autant pour le design minimaliste que pour la description simplifiée.

Mais l’alimentation ne se résume pas à l’emballage : Whole Foods souligne que les aliments transformés végétariens comportent de moins en moins d’ingrédients, et ce, dans toute la catégorie des produits à base de plantes

On le voit en Europe, aux États-Unis, et ça s’en vient ici, des barquettes d’aluminium dans lesquelles tu as ta protéine, tes légumes prêts à mettre au four, l’emballage au recyclage, cite en exemple Guillaume Mathieu. La promesse est simple.

La nébuleuse de l’IA 

L'intelligence artificielle dans le domaine de l'alimentation sera de plus en plus utilisée.
L'intelligence artificielle dans le domaine de l'alimentation sera de plus en plus utilisée.  | Photo : iStock / Just_Super

Nos deux experts sont unanimes : l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de l’alimentation, c’est maintenant. Cette technologie sera utilisée pour améliorer la personnalisation et le développement.

L’IA va permettre à des entreprises d’offrir de la personnalisation à grande échelle , suggère M. Mathieu. On parle ici de plans nutritionnels individualisés, basés sur les recommandations d’une intelligence artificielle qui analyse le profil de chaque personne. Ou encore, de recommander des recettes et des aliments qui sont en rabais.

Des entreprises sont capables de développer de nouveaux produits en moitié moins de temps que ça leur prendrait [normalement]. McCormick [géant des épices et des condiments] utilise énormément l’IA pour trouver des combinaisons de saveurs qui sont inusitées , affirme M. LeBel.

Le commerce de détail s’interroge aussi à propos des avantages qu’offre l’automatisation. C’est le cas de Couche-Tard, mais aussi d’entreprises plus locales.

Une constellation de microtendances

Après ces grands courants viennent les plus petites tendances : sur le réseau social Pinterest, on signale notamment que la malbouffe fusion deviendra plus populaire en 2024 : le ramen carbonara, le smash taco ou encore cette bûche au matcha en sont de bons exemples.

La couleur fera aussi davantage son entrée dans notre univers culinaire pour l’année à venir, toujours selon Pinterest. Après des années de tons beiges, il y a un retour du balancier et les couleurs reviennent autant dans la pièce où l’on cuisine(Nouvelle fenêtre) que dans nos aliments eux-mêmes.

Le prix de l’alcool et la tendance à la sobriété amènent beaucoup de gens à se détourner de l’alcool et à chercher des options de boissons non alcoolisées ou peu alcoolisées. On verra arriver encore plus de boissons fonctionnelles ou enrichies, qui mettent de l’avant la nutrition et le bien-être. 

Les solutions de rechange à la viande se diversifieront en 2024, avec le développement de la viande de culture, les protéines à base de champignon et même la « solein », une protéine créée à partir de l’air ambiant et de levures, selon ce que suggère la firme Ilot dans son rapport, intitulé Bouillon. 

Si les astres sont bien alignés, ces prédictions devraient prendre forme dans l’année qui s’en vient. Mais des événements ou de nouvelles tendances peuvent toujours nous surprendre. Dans tous les cas, nous serons là pour surveiller ces mouvements dans le monde de l’alimentation.

Les tendances culinaires pour 2024. | Photo : Radio-Canada / Ariane Pelletier