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Les familles québécoises consomment beaucoup de pattes de porc dans le temps des Fêtes. | Photo : Radio-Canada / Ariane Pelletier

À l’approche de Noël, la demande pour les pattes de cochon explose dans les épiceries et en boucherie. Car pour de nombreuses familles québécoises, le ragoût de boulettes et de pattes de cochon reste un plat incontournable du temps des Fêtes.

Les chiffres sont sans équivoque à Olymel, le plus gros transformateur de porc au Québec. Entre octobre et décembre seulement, on y vend 78 % de la production annuelle de pattes de cochon, soit 148 000 kg sur 190 000 kg. Le reste de l’année, on cuisine beaucoup moins cette pièce de porc au Québec.

Alors durant les Fêtes, pour satisfaire cette demande, nous détournons une partie des volumes destinés à l’international vers [le marché local], explique Audrey Giboulet, directrice intérimaire des communications corporatives d’Olymel. Le reste de l'année, les pattes de porc du Québec sont majoritairement exportées à l'étranger, notamment en Asie, où elles sont très demandées.

À Noël, au Québec, la frénésie s’observe aussi à l’épicerie. Il y a un gros volume de demandes, particulièrement aux mois de novembre et décembre, souligne Stéphane Bergeron, directeur au Québec de la mise en marché des viandes et poissons à Sobeys, propriétaire de la chaîne IGA.

Le ragoût de pattes du menu hivernal proposé par le restaurant Au Pied de Cochon
Le ragoût de pattes du menu hivernal proposé par le restaurant Au Pied de Cochon | Photo : Marie-Claude St-Pierre

Si vous voyez surtout des jarrets de porcs surgelés sur les tablettes, c’est normal. Ça permet aux transformateurs, qui produisent du porc toute l’année, de conserver leur production pour répondre aux volumes de demande excédentaires, explique-t-il

À la boucherie Le Croc-Mignon, dans le quartier Limoilou, à Québec, le propriétaire Sothea Deng conseille à sa clientèle de faire ses commande à l’avance pour mieux passer à travers la cohue du temps des Fêtes.

C’est vraiment la période la plus achalandée de l’année, concentrée sur quelques jours seulement.

Comme il travaille surtout à partir de carcasses d’animaux entières, Sothea Deng peut accumuler des pattes de cochon en vue de la demande, qui explose à la fin de l’année. À d’autres périodes, celles-ci seraient transformées en viande hachée ou utilisées pour d’autres produits, comme ses populaires pattes de porc fumées.

Le ragoût de pattes en vedette Au Pied de Cochon

Martin Picard, chef et propriétaire du groupe Au Pied de Cochon
Martin Picard, chef et propriétaire du groupe Au Pied de Cochon | Photo : Patricia Brochu

Cette année, le ragoût de pattes est le plat principal du menu hivernal du restaurant Au Pied de Cochon. Le plat fait partie d’une boîte-repas à commander, un grand vendeur de l’entreprise dans le temps des Fêtes.

Le rituel de manger un ragoût de pattes de cochon une fois par année, ça a tout son sens, selon Martin Picard, chef et propriétaire du groupe Au Pied de Cochon. De la même façon que certains produits vont apparaître sur le marché à un moment donné – je pense aux fraises ou aux asperges –, mais aussi à certains menus, comme le menu des sucres. Je trouve ça le fun retrouver ces plats-là dans des moments festifs.

Les traditions lui semblent plus importantes qu’avant :

« Vers la trentaine [après des années sans en manger], j’ai eu envie de redécouvrir le plat, et c’est grâce à mes souvenirs du parfum des ragoûts de mes tantes, de ma grand-mère et de ma mère que j’ai pu m’inspirer pour le plat que je fais aujourd’hui.  »

— Une citation de  Le chef Martin Picard.

Pourquoi mange-t-on des pattes de cochon dans le temps des Fêtes?

Pourquoi le ragoût de boulettes et de pattes de cochon rime-t-il avec le temps des Fêtes au Québec? On a posé la question à l’historienne culinaire Amélie Masson-Labonté.

Dans le Québec rural jusqu’aux années 1950, l’abattage d’un cochon engraissé toute l’année en prévision du temps des Fêtes était une pratique très répandue, explique-t-elle. On faisait boucherie dans la cour arrière ou dans l’étable, récupérant chaque partie de l’animal, de la cervelle aux pattes, en passant par les oreilles et la queue!

Une fois le cochon tué pour préparer toutes sortes de victuailles à base de porc – jambons, rognons, rôtis, côtelettes et filets –, on incorporait traditionnellement les pattes aux ragoûts des Noëls d'autrefois.

On trouve une première trace écrite du ragoût de pattes à la québécoise dans La nouvelle cuisinière canadienne, réédition de 1865 du premier livre de recettes publié en français au Québec en 1825, La cuisinière bourgeoise.

Une recette de ragoût de pattes apparaît dans « La nouvelle cuisinière canadienne », livre paru en 1865.
Une recette de ragoût de pattes apparaît dans « La nouvelle cuisinière canadienne », livre paru en 1865. | Photo : BAnQ

Prenez deux pattes que vous ferez scier en quatre, ôtez les argots [pieds de cochon], mettez dans le chaudron trois pintes d’eau, énonce la recette avant de préciser l'ajout d'oignons, d'épices et de farine rôtie, raconte l’historienne culinaire. La farine grillée qui sert à lier la sauce du ragoût est un ingrédient central dans le profil de saveurs de la recette.

La recette québécoise a probablement un ancêtre français. Spécialité de Sainte-Menehould, dans le département de la Marne, il y a fort à parier que les "pieds de cochon à la Sainte-Menehould" français, revenus dans le beurre, le vin, les clous de girofle et enrobés de panure, ont servi d’inspiration à la version québécoise, selon Amélie Masson-Labonté.

Cette recette se trouvait dans La cuisinière bourgeoise (1825), seul livre de cuisine accessible à l’époque au Québec, et a probablement inspiré la préparation qui est devenue le ragoût de pattes que l’on connaît aujourd’hui.

Bien que la majorité de la population québécoise ne vit plus en milieu rural avec un porc dans la cour arrière, la tradition est toujours bien vivante dans les familles d’ici.

D'utilitaire ("il faut manger les pattes du cochon") à sentimentale ("j'ai envie du ragoût de ma mère"), les traditions culinaires changent de sens, mais ne disparaissent pas, selon l’historienne culinaire Amélie Masson-Labonté. 

Essayez notre recette:

Ragoût de pattes de cochon

Recette de ragoût de pattes de cochon - Zone 3 / Rosalie-Anne Lavoie Bolduc
Préparation
50 min
Cuisson
3 h
Réfrigération
24 h

Un vrai classique québécois du temps des Fêtes.

Voir la recette : Ragoût de pattes de cochon


Les familles québécoises consomment beaucoup de pattes de porc dans le temps des Fêtes. | Photo : Radio-Canada / Ariane Pelletier