Vous naviguez sur le site Mordu

Les airelles poussent dans plusieurs régions nordiques du globe et sont particulièrement populaires dans le nord de l'Europe. | Photo : Airelles des Frères

Connaissez-vous l’airelle rouge? Encore un secret bien gardé, ce petit fruit boréal qui ressemble à la canneberge pousse à l’état sauvage dans des pays nordiques, comme le Canada. L'airelle suscite de plus en plus l’intérêt, autant pour son goût recherché que pour ses bienfaits allégués pour la santé, dont sa richesse en antioxydants.

Elle est très populaire dans le nord de l’Europe, et vous l’avez peut-être déjà vue au… IKEA, où l'on sert de la confiture d’airelles avec les fameuses boulettes de viande suédoises.

Au Québec, on la cueille à l’automne sur la Côte-Nord, où elle est connue sous le nom de graine rouge. Elle pousse également en abondance à Terre-Neuve, où on l’appelle partridgeberry (baie de perdrix), ailleurs dans l'Atlantique et dans plusieurs autres régions nordiques du pays.

Le fruit fait partie du garde-manger des populations autochtones depuis des lustres, notamment celui du peuple innu, mais demeure encore assez méconnu hors des régions où il pousse à l’état sauvage.

Qu'est-ce que ça goûte?

On décrit souvent l’airelle comme la petite cousine sauvage de la canneberge. Un peu moins acide, l’airelle a un goût plus sucré et fruité, qui peut rappeler celui de la cerise.

Au niveau du goût, on a quelque chose qui est un peu plus racé que la canneberge, qui a son caractère propre, affirme Ariane Paré-Le Gal, copropriétaire de Gourmet Sauvage, une entreprise établie dans les Laurentides qui met en valeur les produits sauvages du terroir québécois depuis plus de 30 ans.

Même si le fruit n’est pas très connu au Québec, l’airelle fait partie des produits offerts par Gourmet Sauvage depuis au moins 25 ans, à côté de la camerise, de la baie d’argousier, du bleuet sauvage et de la chicouté, entre autres. On garde dans notre catalogue des propositions qui ne sont pas nécessairement les plus populaires, mais qui reflètent notre territoire. Le fruit est vendu congelé ou sous forme de confiture.

Gourmet Sauvage vend des produits de l'airelle depuis autour de 25 ans.
Gourmet Sauvage vend des produits de l'airelle depuis autour de 25 ans. | Photo : Gourmet Sauvage

On peut la consommer comme d’autres confitures au petit déjeuner, mais on peut l’utiliser au dessert également, insérée entre deux tranches de gâteau au chocolat, par exemple. J’aime beaucoup la servir avec des fromages, son acidité venant trancher avec le gras du fromage.

L’airelle peut aussi servir d’ajout à des sauces pour des plats de viande, ou tout simplement comme à-côté pour des volailles, à la manière de la canneberge.

L’airelle, le nouveau bleuet?

On a souvent vanté les bienfaits du bleuet pour la santé en raison de sa haute teneur en antioxydants.

Et si l'on vous disait qu’on a découvert un fruit qui en contient trois fois plus que le bleuet?

C’est ce que les recherches du Dr Chris Siow ont démontré pour l’airelle sauvage, en comparaison avec le bleuet du supermarché. Le scientifique travaille au Centre canadien de recherches agroalimentaires en santé et médecine situé à Winnipeg, au Manitoba.

C’est une des raisons pour lesquelles le Dr Siow se consacre depuis plus de 15 ans à faire découvrir le fruit, rebaptisé l’or rouge du Nord par le ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada.

Les airelles rouges sont particulièrement riches en anthocyanines antioxydantes, qui préviennent l'oxydation du cholestérol sanguin et aident à maintenir les vaisseaux sanguins en bon état, peut-on lire dans une note expliquant les recherches du Dr Siow sur le site d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Dr Chris Siow
Dr Chris Siow | Photo : Agriculture et Agroalimentaire Canada

Ces puissants antioxydants pourraient contribuer à réduire les risques de maladies cardiovasculaires et même de certains cancers.

Des recherches menées sur des souris semblent aussi indiquer que les airelles pourraient contribuer à la lutte contre les maladies chroniques du rein et la stéatose hépatique du foie, des fléaux associés à des diètes riches en gras.

Le Dr Siow a récemment fait une petite tournée médiatique à l’occasion du don d’une cinquantaine de plants d’airelles rouges à un parc horticole de Winnipeg, dans le but de faire connaître davantage ce petit fruit. Il a d'ailleurs de grands espoirs pour son avenir.

« L’airelle attire de plus en plus l’attention, ce qui est excellent. C’est un fruit avec beaucoup de bienfaits pour la santé, qu’on veut introduire dans la diète canadienne. »

— Une citation de  Dr Chris Siow

Toutefois, avant d’y arriver, il faudrait pouvoir en trouver sur les tablettes des supermarchés.

Difficile à cueillir et à cultiver

Depuis quelques années, Gourmet Sauvage fait affaire avec la coopérative Le Grenier boréal, sur la Côte-Nord, qui recrute des personnes pour effectuer la cueillette localement. Ce n’est pas une mince affaire.

Il faut constamment se pencher pour aller chercher le fruit [dans de très petits arbustes], explique Ariane Paré-Le Gal. On va aller chercher une petite baie [de la grosseur d’un pois vert] à la fois. C’est une cueillette qui est assez exigeante.

La variété sauvage de l’airelle qui est présente au Canada ne fournit des fruits qu’une seule fois par année. Les personnes qui en cueillent attendent généralement les premiers gels, à la fin de l’automne, qui permettent au fruit d’atteindre une plus haute concentration en sucre avant d'être récolté.

Avec ces contraintes, et les difficultés à trouver de la main-d’œuvre à la fois pour la cueillette et le transport, on comprend mieux pourquoi l’airelle est peu consommée au Canada hors des régions où elle pousse.

Les religieux qui ont foi en l’airelle

On trouve à Lac-Etchemin, dans Chaudière-Appalaches, l’une des seules exploitations commerciales de l’airelle rouge au pays : celle de la communauté religieuse chrétienne des Fils de Marie, qui a planté ses premiers arbustes en 2005.

Elle produit autour de 1500 livres (680 kilogrammes) par an d’airelles de variétés européennes. Ces cultivars offrent un meilleur rendement – avec deux floraisons – que les variétés sauvages. Une grande part de la production est écoulée auprès de restaurants de Montréal et de Québec.

La culture de l'airelle est assez complexe, car son arbuste a des besoins particuliers et croît lentement. Il s’épanouit dans des terres pauvres, sablonneuses, avec peu de matières organiques, et préfère les sols acides.

On est la seule initiative expérimentale qui réussit à survivre depuis 2005, pour une raison très simple : étant des moines, on a une patience de moine et on a le temps pour nous, explique le frère Philippe Roy, responsable des relations avec la clientèle et le milieu scientifique pour l’entreprise Airelles des Frères. On a évolué lentement, mais sûrement.

Frère Philippe Roy qui plante des airelles de la variété européenne Koralle dans une parcelle du champ des Airelles des Frères.
Frère Philippe Roy qui plante des airelles de la variété européenne Koralle dans une parcelle du champ des Airelles des Frères. | Photo : Airelles des Frères

La communauté dit ne pas avoir de but mercantile et ne vise pas la croissance infinie de son entreprise, souhaitant atteindre une production de 4000 livres d'airelles, puis la maintenir ainsi. Elle préfère travailler avec des partenaires pour transférer ses connaissances et faire découvrir le fruit au plus grand nombre, convaincue de son grand potentiel.

« On arrive avec un fruit qui pousse ici, au Québec, dans le Nord, qui est hyper résilient, qui est capable d’endurer des conditions très difficiles, qui pousse dans des sols pauvres et qui a un potentiel extraordinaire pour la santé. »

— Une citation de  Frère Philippe Roy

Au Québec, le Centre d'expérimentation et de développement en forêt boréale (CEDFOB) œuvre à augmenter le rendement de l'airelle sauvage en milieu naturel sur la Côte-Nord. Le CEDFOB travaille aussi depuis quelques années à améliorer les techniques de cultivation de l'airelle, en partant des progrès réalisés par les Airelles des Frères.

Le Centre de recherche et de développement de Morden, au Manitoba, associé au centre de recherche du Dr Chris Siow, s'intéresse également à la cultivation du petit fruit, sous la direction du chercheur et agronome Oscar Molina.

Si on est capables de faire en sorte que ce fruit-là soit disponible dans les boîtes à lunch de nos enfants ou dans le garde-manger des Québécois d’ici quelques années, parce qu’ils vont arriver à en cultiver dans leur potager, et qu’ensuite des producteurs finissent par s’y intéresser et arrivent à défoncer les plafonds de verre auxquels nous sommes confrontés, pourquoi pas?, demande le frère Philippe Roy.

C’est aussi ce à quoi rêve le Dr Chris Siow. J’espère qu’un jour [l’airelle] remplacera la canneberge durant nos soupers de l’Action de grâce.

Les airelles poussent dans plusieurs régions nordiques du globe et sont particulièrement populaires dans le nord de l'Europe. | Photo : Airelles des Frères