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L'acteur américain Brad Pitt a lancé son gin The Gardener lors du Festival de Cannes, en mai 2023. | Photo : The Gardener

Brad Pitt lançait il y a quelques mois son gin provençal, The Gardener, à l’occasion du Festival de Cannes. Un gin qui se veut être un reflet de la Côte d’Azur, en France. Ce n’est ni la première ni la dernière vedette à user de son image pour faire la promotion d’un spiritueux et pénétrer un marché très lucratif.

Le gin du célèbre acteur américain, produit en petites quantités, sera bientôt distribué aux États-Unis, mais pour l’instant, il n’est pas vendu au Québec. Brad Pitt était déjà impliqué dans le milieu viticole français avec les vins de Miraval et la famille Perrin, qui produit également son nouveau gin.

C’est l’acteur canadien Ryan Reynolds qui a été parmi les premières vedettes à se lancer dans le monde du gin. Copropriétaire et ambassadeur de l’entreprise Gin Aviation en 2018, il a contribué à créer des campagnes marketing qui ont porté fruit. L’entreprise est rapidement devenue la deuxième plus grande pour ce qui est des parts de marché dans le secteur du gin haut de gamme. Le géant britannique des spiritueux, Diageo, l’a rachetée deux ans après pour 610 millions de dollars américains (environ 825 millions de dollars canadiens). On peut d’ailleurs se procurer le Gin Aviation à la SAQ.

Quelques années plus tard, l’emblématique rappeur américain Snoop Dogg suivait ses traces et créait son propre gin, Indoggo. Chez nous, la chanteuse Ginette Reno a eu droit à son Gin-ette, lancé en 2021 à la SAQ. Tout comme l’ancien joueur étoile du Canadien Guy Lafleur, avec son Gin Guy Lafleur 10 (clin d'œil à son célèbre numéro) sorti en 2020, toujours en vente à la SAQ.

Pas juste le gin qui attire les célébrités

D'ailleurs, la SAQ multiplie la présence en succursale des produits associés à des célébrités. Dans les mois à venir, on devrait y voir apparaître le whisky de l’acteur canadien Kiefer Sutherland, Red Bank Whisky, le cognac Hennessy série limitée du rappeur Nas et la tequila Calirosa du leader de Maroon 5, Adam Levine.

Cette mode chez les vedettes revient à l’acteur américain George Clooney et à sa tequila Casamigos. Il a cofondé l’entreprise en 2013 et l’a vendue quatre ans plus tard à Diageo pour 700 millions de dollars américains (près de 950 millions de dollars canadiens).  Avec la possibilité de toucher 300 millions de dollars américains supplémentaires selon les performances de vente après coup, (près de 400 millions de dollars canadiens).

George Clooney et Rande Gerber, deux des trois fondateurs de l'entreprise de tequila Casamigos.
George Clooney et Rande Gerber, deux des trois fondateurs de l'entreprise de tequila Casamigos. | Photo : Casamigos/Instagram

Avant, je payais mon loyer en jouant dans des films, avait-il expliqué au Sunday Times après la vente de l’entreprise. Mais je viens de faire 1 milliard de dollars en vendant de la tequila. Je n’ai plus besoin d’argent!

Pourquoi les vedettes hollywoodiennes veulent-elles associer leur image à des spiritueux, et moins à des vins?

« De tout temps, les spiritueux ont été associés à des démarches de marketing et de mise en valeur de l’image de marque du produit qui sont vraiment commerciales »

— Une citation de  Alain Brunet, professeur associé à HEC Montréal et ancien PDG de la SAQ entre 2014 et 2019.

À l’opposé, les vins reflètent davantage l’art de la table, selon Alain Brunet, qui est aussi président du conseil d’administration de Club local, une entreprise québécoise qui produit des cocktails et spiritueux. C’est pourquoi leur mise en marché passe plus souvent par l’usage qu’on en fait, les accords mets et vins par exemple, plutôt que par le « bling-bling » d’une vedette de cinéma.

Avec le vin, il y a toute une découverte à faire autour du goût et de la consommation du produit, alors que les spiritueux sont un peu moins dans cet ordre des choses, et plus du côté commercial, avec des stratégies marketing et de développement de marque.

On remarque par exemple qu’ici, au Québec, plusieurs personnalités qui ont lancé des vins pouvaient mettre de l’avant leur expertise dans le domaine culinaire, comme la sommelière Jessica Harnois et les vins Bù, ou Bob le Chef et ses vins Boute-en-train et Barbèque.

Le rude marché des spiritueux québécois

Les gins et autres spiritueux québécois ne manquent pas sur les tablettes de la SAQ. La société d’État s’est fait un devoir de leur faire une place, mais la compétition est féroce, puisque les microdistilleries se sont multipliées dans la province depuis quelques années.

D’ailleurs, selon les derniers chiffres fournis par la SAQ, les ventes annuelles de gin toutes origines confondues représentent un peu plus de 200 millions de dollars. Et pour la dernière année financière, les gins du Québec représentent 67 % (en volume) des gins vendus à la SAQ. Parmi les cinq meilleurs vendeurs à la SAQ en 2023, quatre sont des spiritueux.

Les efforts en marketing sont donc primordiaux pour les entreprises qui veulent convaincre les consommateurs et consommatrices d’acheter leur produit à plus d’une reprise plutôt que d’essayer celui de la concurrence.

Au Québec, la marque Fou Gin est l’une des plus actives dans ses collaborations avec des personnalités publiques, que ce soit en appuyant des projets de vidéoclips ou de tournées d’artistes de la scène musicale émergente, ou en faisant appel à des influenceurs et influenceuses pour sa publicité. Notre mission, c’est aussi de soutenir les artistes et la culture, affirme le jeune entrepreneur Sébastien Cliche-Roy, fondateur de Fou Gin.

Dans une vidéo promotionnelle lancée en juillet dernier sur le web pour un nouveau gin, on peut voir la chanteuse Claudia Bouvette, le musicien Mike Clay, de Clay and Friends, le rappeur et acteur Jean-François Ruel, connu pour son rôle de Damien dans Fugueuse, ou encore le chef influenceur Laurent Dagenais.

Le chef et créateur de contenu Laurent Dagenais dans une publicité de Fou Gin
Le chef et créateur de contenu Laurent Dagenais dans une publicité de Fou Gin | Photo : Fou Gin

Ça nous permet de nous démarquer pour trouver une base de consommateurs qui vont revenir à notre produit.

Est-il possible de survivre sans l’effet marketing?

Dans un marché ultraconcurrentiel comme celui des microdistilleries québécoises, on ne peut compter que sur la qualité du produit.

« Tu ne peux pas seulement sortir un produit qui est excellent et survivre avec ça en ce moment à la SAQ. Il faut avoir du bon marketing. »

— Une citation de  Sébastien Cliche-Roy, fondateur de Fou Gin.

C’est le gros défi, d’offrir quelque chose d’attirant pour le consommateur pour qu’il goûte, puis qu’il soit convaincu d’acheter une deuxième bouteille, explique Jean-Philippe Bouchard de la Distillerie du Fjord, qui produit le populaire gin Km12. Cette entreprise familiale mise sur différentes stratégies pour atteindre directement la clientèle, en organisant des événements de dégustation par exemple.

Le marché des spiritueux québécois entre dans une période de consolidation après avoir atteint un plateau pour ce qui est de l’intérêt des consommateurs et consommatrices, selon Alain Brunet.

Dans le cas du gin, c’est assez flagrant, explique Jean-Philippe Bouchard. Il y a eu une période de très forte croissance avec une abondance de nouveaux produits, et puis le marché a atteint la saturation, et c’est en train de décélérer.

Par la force des choses, il va y avoir un ménage qui va se faire, croit Alain Brunet. Il y a 15 ans, les vins du Québec ont connu cette étape-là. [...] Ça fait partie du processus dans chaque catégorie [de produits] qui atteint la maturité.

L'acteur américain Brad Pitt a lancé son gin The Gardener lors du Festival de Cannes, en mai 2023. | Photo : The Gardener