Samedi matin, été 2012. Le café est doux et le ciel est sans nuage. Ding ding! Un texto réclame mon attention. « On fait un BBQ. Ça te tente-tu? Tout le monde apporte sa boisson et sa viande, on s’occupe du reste. Arrive vers 16 h. » J’ai en masse le temps de mettre une bouteille de blanc au frais. Mais la viande? Je suis végane depuis quelques mois et ce sera mon premier barbecue. Je fais quoi?
Je me souviens encore très bien de mes premières fois en tant que végane. Le premier Noël, le premier brunch de Pâques, la première date. Et le premier barbecue. Dès les premières secondes suivant l’invitation, mon cerveau s’est mis à rouler à toute vitesse. Je voulais apporter quelque chose qui allait non seulement me sustenter, mais surtout impressionner tout le monde et donner envie aux gens de rejoindre eux aussi le club des mangeurs et mangeuses de plantes.
C’est beaucoup de pression sur un bloc de tofu (d’ailleurs, presser le tofu est une excellente manière d’en améliorer la texture pour le barbecue, mais nous y reviendrons plus tard).
Le discours sur les changements climatiques et le bien-être animal fait que de plus en plus de gens au Canada font le choix de délaisser la viande. Cette tendance est plus marquée chez les jeunes, mais est aussi présente dans tous les groupes d’âge. Et sans être complètement végés ou véganes, nombreuses sont les personnes qui souhaitent mettre davantage de protéines végétales au menu.
Lorsque l’on contemple l’idée de joindre ce club de mangeurs de plantes
, les précieux souvenirs de repas centrés sur la viande font souvent surface, et les barbecues des beaux jours d’été en font bien sûr partie. On veut faire mieux, mais on n’a peut-être pas envie de laisser aller les traditions.
Justement, ces traditions n’ont pas à disparaître. Le défi est de les repenser, de se réinventer
, comme on l’a un peu trop entendu dans les dernières années. Après tout, faire griller des saucisses, qu’elles soient à base de viande ou de soya, devrait rester un prétexte pour se réunir (mais pas question de mettre de côté les saveurs).
Je vous ai préparé un petit guide avec des conseils pour vous aider, peu importe l’objectif visé.
Objectif : Passer le moins de temps possible en cuisine pour aller rejoindre le groupe au plus vite
La science de la boulette et de la saucisse végé a progressé de manière spectaculaire dans les dernières années, et ces options à base de plantes en versions prêtes à cuire sont maintenant en vente dans la majorité des épiceries, partout au pays. Les saucisses peuvent être cuites telles quelles (inutile de les faire bouillir avant), et les boulettes peuvent avoir besoin de quelques assaisonnements, selon le fabricant.
Bonus : En en apportant assez pour partager, on peut se gâter avec le classique Goûte à ça, c’est à s’y méprendre, hein?
avec un gros sourire de fierté.
Objectif : Dresser une assiette hautement instagramable et (surtout) vraiment délicieuse
Bien qu’il soit aussi possible de tout simplement remplacer la viande par du tofu, du tempeh ou une boulette dans l’assiette, la cuisine végétale gagne aussi à repenser l’assiette-repas, notamment en mettant les légumes au cœur de l’assiette.
Miser sur les légumes
Même avec un simple filet d’huile et un peu de sel, les légumes cuits sur le barbecue atteignent de nouveaux sommets. Pour ne pas se tromper, on peut viser l’arc-en-ciel avec les classiques oignons rouges, poivrons jaunes et courgettes bien vertes. On peut suivre les saisons avec les asperges du printemps, les pâtissons de juillet et le maïs sucré d’août.
Si l’on ose cuisiner un steak de chou-fleur ou de céleri-rave, une précuisson à la vapeur facilitera la cuisson sur le gril. Pour faire de ce festin de légumes un repas bien soutenant, il peut être servi sur un lit de houmous ou autre purée de légumineuse, avec un bon morceau de pain grillé façon bar à pain
d’un populaire restaurant italien. J’ai faim.
Optimiser son tofu
Sur le barbecue, le tofu offre un monde de possibilités. Le défi? Lui donner de la saveur avec une belle marinade (express ou non) et le cuire juste assez pour lui donner une belle coloration, sans sacrifier la texture moelleuse du centre.
Le tofu ferme ou extraferme, que l’on presse bien dans un linge propre et sec, est à privilégier. Pour éviter que le tofu glisse entre les grilles, on le coupe en tranches de 1 à 2 cm d’épaisseur. Un marinage d’au moins deux heures est idéal, mais le tofu sera tout de même délicieux après seulement 15 ou 30 minutes.
Pour une marinade savoureuse, les mêmes règles qu’avec la viande s’appliquent : on cherche un bel équilibre entre l’huile, l’acide, le salé, le sucré et l’aromatique/épicé. Par contre, en cuisinant du tofu, aucun risque de contamination : on peut utiliser l’extra de marinade pour badigeonner le tofu pendant la cuisson et aussi s’en servir comme base de sauce en garniture (une part de marinade pour une part de mayonnaise végétalienne, vous m’en donnerez des nouvelles!).
Une cuisson indirecte sur des grilles bien huilées permet d’obtenir les meilleurs résultats.
Brochettes de tofu mariné à la grecque
Oser avec le tempeh
Cet aliment à base de fèves fermentées originaire de l’Indonésie peut être un plus difficile à apprivoiser que son cousin le tofu. Cela étant dit, la cuisson au barbecue est une des meilleures manières d’explorer son potentiel.
Si le goût amer de fermentation du tempeh se marie bien avec les saveurs sud-asiatiques, par exemple en satay, elle peut déranger si l’on recherche quelque chose de plus neutre. Une précuisson de 10 minutes à la vapeur ou à l’eau bouillante suffit pour atténuer cette amertume.
On peut même faire bouillir le tempeh dans sa propre marinade, que l’on allonge avec un peu d’eau. On termine ensuite la cuisson sur le grill en mode indirect, en badigeonnant le tempeh avec plus de sauce ou de marinade. Si l’on ne veut pas trop se casser la tête, une simple sauce BBQ du commerce sera délicieuse. On peut aussi se lancer dans la préparation de cette sauce BBQ maison aux dattes.
Objectif : Impressionner tout le monde avec nos talents culinaires, se faire dire qu’on devrait s’inscrire à une compétition télévisée et amener les autres convives à remettre en question tous leurs choix de vie
Sans mettre les légumes et le tofu de côté, on peut choisir d’aller plus loin avec des aliments un peu plus fancés
ou inhabituels, comme une brochette de pleurotes marinés, des moitiés d’avocats, des quartiers d’artichauts ou encore de la fleur d’ail en abondance (la meilleure chose à faire griller, selon moi).
Et parce que ce sont vraiment les garnitures qui transforment les repas, c’est le temps d’y aller pour un petit tour du monde : pesto, chimichurri, pico de gallo, salsa fraîche de mangue et de coriandre, sauce crémeuse aux herbes façon déesse verte, sauce wafu végétalienne, toum, sauce tahini-mélasse de grenade-menthe. Bon, j’ai VRAIMENT faim!
Tacos au steak de chou-fleur et maïs
Et si c’est vous qui recevez?
La saison du barbecue est vraiment le temps idéal pour explorer les nouveaux ingrédients et repenser l’assiette. Et maintenant, quand on est l’hôte du barbecue, que faut-il faire pour qu’une personne végé se sente à l’aise?
- Pour les à-côtés comme les salades, il faudrait penser à servir les sauces et vinaigrettes à part si elles contiennent des œufs ou des produits laitiers, ou encore privilégier de l’huile d’olive ou de la mayonnaise végétalienne (que l’on trouve maintenant facilement en épicerie). Si l’on fait griller des pains, on peut utiliser de l’huile plutôt que du beurre. Et l’on veille à avoir des options de croustilles sans poudre de lait (plusieurs saveurs en contiennent) et des options de trempettes sans produits laitiers (du houmous, par exemple!) pour les crudités.
- Parce que les aliments d’origine végétale sont naturellement moins riches en matières grasses, il est particulièrement important non seulement de bien utiliser les huiles, mais aussi de bien préparer les grilles en les « assaisonnant ». Si cette technique est recommandée pour la cuisson des viandes aussi, elle est plutôt indispensable en cuisine végétalienne sur le barbecue.
- Au moment de la cuisson, on réserve une section du barbecue pour les options sans viande, ou encore on offre à la personne de faire cuire ses aliments en premier ou en dernier, après un bon nettoyage.
Si la nouveauté peut nous rendre mal à l’aise, voire nous causer du stress, il s’agit aussi d’une belle occasion de créer de nouveaux rituels et de nouvelles traditions (et de se réunir autour d’un steak d’aubergine, peut-être?).
En complément :
