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AnalyseAu cœur d’un scandale, l’AMA est-elle encore indépendante?

Sur une table, quatre ampoules avec du liquide à l'intérieur, une seringue et des pilules.

Les États-Unis sont critiques à l'endroit de l'Agence mondiale antidopage.

Photo : getty images/istockphoto / destillat

La polémique autour de l’Agence mondiale antidopage (AMA), qui a blanchi 23 nageurs chinois qui avaient obtenus des résultats positifs, relance le débat autour de la véritable indépendance de l'institution.

L’appel désespéré aux partenaires privés du président de l’AMA, Witold Banka, ne risque pas de rassurer ceux qui doutent de son impartialité.

Pour réaliser nos ambitions et être à la hauteur des attentes de nos partenaires quant à ce que nous devons offrir aux sportifs du monde entier, nous aurons besoin de plus que notre budget actuel de 46 millions de dollars américains, avait lancé le président en 2022.

Nous avons besoin de beaucoup plus de ressources et de partenaires supplémentaires pour protéger le sport de la façon la plus innovante, la plus audacieuse et la plus courageuse qui soit. C’est pourquoi nous vous demandons de vous joindre à nous pour aider à établir un terrain de jeu équitable pour les sportifs de toute la planète.

En contrepartie de leur contribution financière, les partenaires recevront une série d’avantages spécifiques à leur catégorie. Nous sommes également ouverts à discuter avec vous de partenariats sur mesure qui soutiendront nos objectifs communs, peut-on lire sur le site Internet de l'AMA.

Derrière cette porte ouverte, on peut se demander ce qu’entend l’AMA en parlant d’avantages spécifiques?

La Chine par exemple est devenue l’un des principaux bailleurs de fonds de l’Agence mondiale. Rappelons que selon un des documents obtenus par l’Associated Press, en septembre 2020, un membre du comité avait affirmé aux membres que seule la Chine à sa connaissance avait fait un don de 500 000 $ US. La somme aurait atteint 992 000 $ vers la fin de 2020, soit près des trois quarts de l’argent reçu pour ce programme.

Emblème de l'Agence chinoise antidopage

L'Agence chinoise antidopage CHINADA

Photo : CHINADA

Coïncidence ou non, le Comité international olympique (CIO), qui est à l'origine de la création de l’AMA et qui fait grandement partie de ses instances, n’a pas désavoué l’agence dans sa décision de ne pas enquêter sur les nageurs chinois après leurs résultats positifs.

Les procédures ont été suivies, avait même déclaré depuis Lausanne le président du CIO, Thomas Bach. Il n’y a aucune raison pour que les athlètes chinois ne soient pas présents aux Jeux olympiques. Le CIO réitère sa pleine confiance à l’AMA.

Ici aussi la question de l’indépendance se pose. L'équipementier chinois ANTA sports a signé une entente lucrative avec le CIO pour habiller tout son personnel. De plus, le géant chinois du commerce en ligne Alibaba a signé un contrat pharaonique pour avoir les droits olympiques jusqu’en 2028. Certaines sources l'estiment à plus de 800 millions de dollars américains.

La présence d’Alibaba aux prochains Jeux de Paris a été une source d'inquiétude pour les organisateurs, surtout en ce qui a trait à la protection des données informatiques.

Rappelons également que la moitié du budget de l'AMA provient du CIO.

Dans ces conditions, est-ce que le CIO ou l’AMA se risqueraient à froisser leur principal partenaire financier? La question mérite d’être posée.

La mansuétude envers la Chine de ces deux grandes organisations peut donc paraître curieuse. Est-il besoin de rappeler que la Chine est constamment dénoncée pour ses nombreuses atteintes aux droits de la personne. Et pourtant le CIO n’a pas hésité à lui offrir à deux reprises les Jeux olympiques et l'AMA sa vice-présidence à une ancienne athlète chinoise.

D'ailleurs, dans les attaques contre l’AMA, depuis ce qu’on a appelé l’affaire des nageurs chinois, certaines sources bien informées vont même jusqu'à parler de la grande influence de la Chinoise Yang Yang qui a été élue en 2020 à la vice-présidence de l’agence.

Le président de l'Agence américaine antidopage, Travis Tygart

Le président de l'Agence américaine antidopage, Travis Tygart

Photo : AP / Geert Vanden Wijngaert

Parmi les pourfendeurs du gendarme mondial de l’antidopage, il y a l’Agence antidopage américaine (USADA), qui n'hésite pas à y aller d'attaques frontales.

L’AMA redouble de demi-vérités et de rationalisations égoïstes pour ne pas avoir réussi à faire respecter ses propres règles. Ceux qui valorisent l'esprit sportif restent complètement insatisfaits des réponses fournies par l’AMA concernant le fait qu'elle a balayé sous le tapis 23 tests positifs, avait déclaré en avril dernier l'USADA.

Combien de temps faudra-t-il encore regarder l’AMA danser autour des vérités évitant sa propre responsabilité? Nous voulons donner écho aux demandes des athlètes et de tous ceux qui militent pour un sport propre. Nous exigeons une enquête véritablement indépendante avec des experts impartiaux. Une véritable réforme de l’agence s’impose si nous voulons être demain les vrais garants de l’équité dans un sport propre.

Une citation de Agence antidopage américaine, USADA

Ce n’est pas la première fois que l’Agence américaine réclame une refonte totale de l’AMA, et cet appel au changement s'est intensifié en raison du scandale des nageurs chinois.

En ne suivant pas ses propres règles dans ce cas, l'AMA a montré que des règles différentes s'appliquent à différents pays ou circonstances, même si les règles ne lui confèrent aucun pouvoir discrétionnaire. Le manque de transparence rend ce double standard d’autant plus peu recommandable et intolérable qu’il mine la confiance que les athlètes ont encore dans la structure et le leadership actuels des régulateurs mondiaux, a dit l'USADA.

En plus des Américains, d'autres nations comme la France et la Nouvelle-Zélande réclament que l’AMA devienne réellement indépendante de toutes influences extérieures.

Dans une thèse parue en 2022 intitulée L'organisation politique de la lutte antidopage, l'auteur Ekain Zubizarreta Zuzuarregi en arrive à une conclusion fort intéressante sur les liens entre l'AMA et ses États membres.

La lutte contre le dopage n'est pas indépendante de la diplomatie et des enjeux géopolitiques. Il faut noter que la relation d’emprise s’exerce de la même manière sur tous les États, mais qu’elle n’a pas les mêmes effets pour ceux-ci, et que leurs ressources pour tenter de résister ne sont pas égales.

Qui trop embrasse mal étreint, disait Rabelais. Autrement dit, en voulant contenter tout le monde, on risque de ne rien réussir.

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