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La pollution sonore nuit au développement des œufs et des oisillons

Un couple de diamants mandarins.

Un couple de diamants mandarins.

Photo : iStock / Hailshadow

Une exposition à des niveaux modérés de bruit de circulation automobile nuit au développement des embryons dans les œufs et à la condition physique à long terme des oisillons, montrent les travaux de chercheuses françaises associées à l’Université Deakin en Australie.

Plusieurs études menées à ce jour ont montré que la pollution sonore nuit à la communication acoustique, modifie le comportement et mène à des troubles de la reproduction et du développement chez plusieurs espèces animales terrestres et marines.

Un diamant mandarin mâle (Taeniopygia guttata) sur une branche.

Un diamant mandarin mâle (Taeniopygia guttata)

Photo : Université Deakin/Chris Tzaros

Dans les études avant la nôtre, les parents et leur progéniture étaient exposés au bruit. On ne savait pas si le bruit lui-même pouvait directement affecter un organisme qui se développe, explique Alizee Meillere, l’une des auteures principales, avec Mylene Mariette, des travaux publiés dans la revue Science (Nouvelle fenêtre) (en anglais).

On ne savait donc pas si le bruit anthropique – c’est-à-dire d’origine humaine – était intrinsèquement nocif pour les jeunes en développement ou s’il dérangeait uniquement les parents.

Trois diamants mandarins sur une clôture.

Un diamant mandarin (Taeniopygia guttata) mâle adulte (au milieu) et deux juvéniles (de part et d'autre) sur une clôture dans un environnement modifié par l'humain.

Photo : Université Deakin/Raoul Ribot et Helena Stokes

Pour trancher la question, les chercheuses et leurs collègues ont manipulé la progéniture d’oiseaux, des diamants mandarins (Taeniopygia guttata), une espèce répandue en Australie.

Le fait que les embryons se développent dans des œufs à l'extérieur de leur mère, contrairement aux mammifères, nous a permis de les récupérer et de les placer quatre heures par jour dans des incubateurs où on pouvait directement les soumettre à différents types d’environnement sonore.

Une citation de Alizée Meillere, Université Deakin

Dans l’expérience, des œufs sur le point d'éclore et des oisillons ont été soumis à trois environnements acoustiques :

  • des enregistrements de bruits de circulation de 65 décibels, un niveau sonore modéré courant dans un environnement urbain;
  • des enregistrements de chants d’oiseaux de la même espèce;
  • le silence.

Ainsi, la nuit, les chercheuses récupéraient certains des œufs et des poussins qu'ils plaçaient dans une pièce où ils étaient exposés aux différents environnements sans que leurs parents le soient pendant quatre heures.

L’expérience a permis d’étudier les œufs et les oisillons dans les mêmes conditions, selon l’environnement, sans que les parents soient exposés au bruit, mais en s’assurant qu'ils reçoivent des soins parentaux normaux.

Deux diamants mandarins, un mâle adulte et un mâle juvénile.

Deux diamants mandarins, un mâle adulte et un mâle juvénile.

Photo : Université Deakin/Renu Gooley

Des résultats clairs

Les chercheurs ont été surpris par l'ampleur des effets associés aux bruits de la circulation qu’ils ont constatée.

Nos résultats laissent à penser que les effets de la pollution sonore sont beaucoup plus importants qu'on ne le pensait.

Une citation de Alizee Meillere, Université Deakin

Nous avons montré que la seule exposition au bruit avant et après la naissance a des conséquences sur la condition physique à long terme, mais aussi qu’elle peut provoquer la mort embryonnaire pendant l'exposition, explique Alizee Meillere.

Un diamant mandarin au moment de sortir de l'œuf.

Un diamant mandarin au moment de sortir de l'œuf.

Photo : Université Deakin /Mylene Mariette

Les œufs exposés au bruit automobile pendant les cinq derniers jours de l'incubation avaient des taux de survie plus faibles d’environ 20 % que ceux soumis aux sons des chants.

De plus, les poussins exposés au bruit grandissaient beaucoup moins vite et présentaient des dommages cellulaires plus importants à tous les stades de la vie, ajoute la chercheuse.

Deux jeunes diamants mandarins.

Deux jeunes diamants mandarins.

Photo : Université Deakin/Donna Squire

Le déficit de croissance s’est toutefois estompé avec le temps.

Ils ont été capables de compenser et de grandir un peu plus vite, et finalement, ils avaient les mêmes tailles que les oiseaux qui n'avaient jamais été exposés au bruit, note Alizee Meillere.

Mais cela pose quand même un problème. L’accélération de leur croissance [pour regagner le retard] a eu un impact physiologique négatif sur leurs télomères.

Une citation de Alizée Meillere, Université Deakin

Les télomères sont des séquences d’ADN qui se trouvent au bout des chromosomes. Ils assurent l’intégrité du génome durant la division cellulaire. Ils raccourcissent toutefois à chaque division cellulaire, jusqu’à ce qu’ils deviennent trop courts pour remplir leur fonction de protection. Ce raccourcissement est associé au vieillissement, mais aussi à des maladies telles que le cancer et la démence.

En outre, l'exposition au bruit au début de la vie, particulièrement pendant la période prénatale, a aussi mené à une diminution du nombre de bébés tout au long de l'âge adulte.

Une fois adultes, on les a laissés se reproduire librement. On leur donnait des choix entre plusieurs partenaires, on les laissait se reproduire à leur rythme.

Une citation de Alizée Meillere, Université Deakin

L'impact est vraiment très important. Ceux qui ont été exposés au bruit avaient un succès reproducteur fortement diminué. Ils produisaient deux fois moins de bébés que ceux qui n'avaient jamais été exposés au bruit, remarque la chercheuse.

D’autres données nécessaires

Si le bruit du trafic routier a clairement des effets néfastes sur les oisillons, plusieurs questions restent en suspens.

Qu'est-ce qui fait que ce bruit a un impact aussi différent que les sons naturels des oiseaux? Quelles sont les propriétés physiques de ce type d'onde qui mènent à ces effets?

Une citation de Alizée Meillere, Université Deakin

L’équipe aimerait donc mieux cerner les mécanismes physiques qui rendent certains sons si dommageables, alors que d’autres ne le sont pas.

Elle aimerait mener des expériences où les oiseaux seraient exposés à différents types de bruit pour déterminer quelles sont les propriétés acoustiques qui ont un effet néfaste.

C’est un nouveau domaine de recherche. Ce n’est que récemment que la communauté scientifique a commencé à se rendre compte que le son pouvait avoir des effets très importants qu'on ignorait complètement avant.

Une citation de Alizée Meillere, Université Deakin

Et les humains

La chercheuse espère que ces résultats – si embryonnaires soient-ils – mènent à une prise de conscience.

Il faut peut-être que les gens commencent à faire plus attention à la menace posée par le bruit anthropique qui est souvent reléguée derrière d’autres formes de pollution, telles que la pollution chimique, observe-t-elle.

Dans un article de perspective qui accompagne l’étude, le professeur d’acoustique Hans Slabbekoorn de l’Université Leiden aux Pays-Bas écrit que des résultats similaires à ceux obtenus chez le mandarin pourraient certainement l’être avec d’autres espèces, y compris l'humain.

Les résultats suggèrent que l'environnement acoustique des oiseaux nicheurs dans les villes et le long des autoroutes devrait être mieux géré, et que le confort acoustique dans les environnements hospitaliers pour les mères enceintes et les bébés devrait faire l'objet d'une attention particulière, souligne le professeur.

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