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Ingérence étrangère : Justin Trudeau priorise les breffages oraux plutôt que les mémos

Le premier ministre du Canada a réaffirmé qu'il a été mis au courant des tentatives d'ingérence étrangère dans les élections de 2019 et 2021 après les fuites dans les médias.

Justin Trudeau parle.

Le premier ministre canadien Justin Trudeau a témoigné devant la commission sur l'ingérence étrangère le 10 avril 2024.

Photo : The Canadian Press / Sean Kilpatrick

« La seule façon de s'assurer que je suis informé d'un [sujet] prioritaire, ce n'est pas en me glissant une note [...] mais c'est d'avoir un moment de breffage direct avec ma conseillère à la sécurité nationale et au renseignement. »

C'est ainsi qu'a répondu le premier ministre Justin Trudeau, questionné sur la façon dont il reçoit les informations sensibles, lors de son témoignage mercredi devant la commission d'enquête publique qui se penche sur les allégations d'ingérence étrangère dans les deux dernières élections fédérales.

Le premier ministre a toujours soutenu que les élections de 2019 et de 2021 n’ont pas été compromises par les tentatives d’ingérence étrangère menées principalement par la Chine et la Russie mais aussi par l’Inde et le Pakistan, comme l’ont indiqué des documents de synthèse révélés par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).

Mardi, plusieurs proches de Justin Trudeau, dont sa cheffe de cabinet, Katie Telford, ont témoigné devant la commission présidée par la juge Marie-Josée Hogue.

Marie-Josée Hogue, la main sur le menton, regarde des témoins.

La juge Marie-Josée Hogue préside l'Enquête publique sur l'ingérence étrangère dans les processus électoraux et les institutions démocratiques fédéraux.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Enquête publique sur l'ingérence étrangère

Consulter le dossier complet

La juge Hogue, assise en cour.

La question de l'ingérence étrangère a surtout fait la manchette lors de la publication d'une série d'articles par le réseau Global et par le quotidien The Globe and Mail à partir de novembre 2022.

Dans ces reportages, des sources laissaient entendre que le gouvernement de Justin Trudeau avait fait preuve d'inaction malgré les conseils qu'il avait reçus de la part du SCRS.

Selon les informations révélées lors des audiences publiques de la commission, il y a eu 34 rencontres sur cette question entre des responsables du SCRS et de hauts responsables gouvernementaux entre juin 2018 et décembre 2022. Mme Telford a toutefois assuré que le premier ministre n’avait pas été informé des tentatives d’ingérence étrangère avant les fuites survenues dans les médias.

En avril 2023, Mme Telford avait pourtant affirmé devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes que le premier ministre reçoit des breffages régulièrement, lit tout, et rien ne lui est caché.

Je ne veux pas donner aux gens l'impression que nous ne prenons pas les breffages de renseignement au sérieux. Mais lorsque vient le temps de prendre des actions, cela se fait à travers des conversations sécurisées où nous recevons les informations et avons la possibilité de poser des questions.

Une citation de Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Lundi, une note d'information du SCRS adressée au cabinet du premier ministre indiquait que l'agence de renseignement savait que la Chine s'était ingérée de manière clandestine et trompeuse dans les deux dernières élections fédérales.

Plus tôt lundi, de hauts fonctionnaires du gouvernement qui surveillaient les menaces d'ingérence lors des élections de 2021 et de 2019 avaient cependant déclaré que leurs renseignements n'atteignaient pas le seuil élevé requis pour alerter les Canadiens.

Le cas de Han Dong

Lors de son témoignage mercredi, M. Trudeau a affirmé qu'il avait été informé que le SCRS soupçonnait la Chine d'avoir tenté d'influencer la course à l’investiture de son candidat Han Dong dans la circonscription de Don Valley-Nord mais qu’il avait décidé de ne pas le disqualifier par manque d'informations crédibles.

En tant que chef du Parti libéral, j’ai dû à de nombreuses occasions demander à certaines personnes de ne plus se présenter comme candidats, mais dans ce cas, je n’ai pas senti qu’il y avait des informations suffisamment crédibles qui justifiaient la décision importante de le disqualifier.

Une citation de Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Plus tard, en réponse à une question de suivi de la part de la commissaire Hogue, il a indiqué qu'un suivi avait été fait après les élections. Il y a eu des vérifications assez complètes et j’en suis sûr, a-t-il dit. Les suivis, pour moi, c’était au niveau de l’engagement possible d’autorités chinoises ici au Canada qui auraient pris un intérêt dans un candidat particulier.

M. Dong a quitté le caucus libéral à la suite de reportages de la chaîne Global faisant état d'allégations selon lesquelles il aurait volontairement participé à l'ingérence chinoise et aurait remporté son siège torontois avec l'aide de Pékin aux élections générales de 2019.

M. Dong, qui siège maintenant comme député indépendant aux Communes, nie ces allégations et a d’ailleurs intenté une poursuite contre Global et sa société mère, Corus Entertainment.

Trudeau juge les fuites profondément préoccupantes

Le premier ministre a également fait état de ses frustrations quant aux fuites médiatiques, affirmant qu'il est difficile de confirmer ou de contredire les allégations sans nuire au travail des services de renseignement canadiens.

La raison pour laquelle ces fuites sont profondément préoccupantes, c’est que nous ne pouvons pas réellement confirmer [des informations] sans compromettre le travail de nos agents et nos sources de sécurité, a-t-il dit.

Si nous confirmons ou contredisons certaines informations, nous risquons de dévoiler nos méthodes à nos adversaires et les outils que nous utilisons pour détecter leurs activités illicites visant à nuire aux Canadiens.

Une citation de Justin Trudeau, premier ministre du Canada

M. Trudeau a également affirmé que le Canada doit en faire plus pour lutter contre l'ingérence étrangère tout en assurant que son parti a mis en place plusieurs mécanismes pour détecter et contrer les tentatives d'ingérence.

Quand nous sommes arrivés au pouvoir, en 2015, il y avait très peu, voire pas du tout, de mécanismes pour contrer l’ingérence étrangère, a assuré M. Trudeau. Ce n’était pas [une] chose sur laquelle le gouvernement précédent ou aucun autre gouvernement s'était penché.

Il y a toujours plus à faire et j’attends avec impatience les recommandations de cette commission pour voir comment nous pouvons renforcer encore plus la protection de nos institutions et de notre démocratie, a encore dit le premier ministre.

Il a toutefois reconnu que le monde a beaucoup évolué au cours des dernières années, notamment en ce qui a trait à la cybersécurité. La Russie est devenue extrêmement problématique, beaucoup plus qu’il y a 10 ans.

D'autres témoignages attendus

En plus de M. Trudeau, plusieurs ministres ont témoigné mercredi devant la commission.

La journée a commencé avec la leader du gouvernement à la Chambre des communes, Karina Gould, qui est actuellement en congé de maternité. En tant qu'ex-ministre des Institutions démocratiques, elle a été mandatée afin de mettre un terme à l'ingérence étrangère dans les élections.

Lors de son témoignage, Mme Gould a minimisé l'impact de l'ingérence étrangère sur les deux dernières élections, affirmant qu'il s'agit plutôt de tentatives d'ingérence.

Karina Gould lors de son témoignage.

Karina Gould, leader du gouvernement à la Chambre des communes

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Il y a toujours eu des tentatives d'ingérence étrangère dans toutes les élections, que ce soit au Canada ou dans tous les autres pays démocratiques dans le monde, probablement depuis l'époque de la Grèce antique. Est-ce que ces tentatives ont porté fruit ou pas? C'est une autre histoire.

Une citation de Karina Gould, leader du gouvernement à la Chambre des communes

Le ministre de la Défense nationale, Bill Blair, a de son côté affirmé que les renseignements fournis par les services sécuritaires ne sont pas nécessairement des vérités. Ce ne sont que des renseignements et ils doivent être évalués dans un contexte plus vaste afin de pouvoir déterminer les décisions qu'il faut prendre, a-t-il dit lors de son témoignage.

Il a également affirmé que la Russie a mené plusieurs campagnes de désinformation au Canada et ailleurs dans le monde, mais il a indiqué que ces efforts ne visaient pas spécifiquement nos élections. Ils cherchaient à influencer l’opinion publique, mais pas le résultat de nos élections de 2019 et 2021.

Le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, a lui aussi témoigné mercredi.

Les audiences de mercredi devaient initialement être les dernières de cette phase, mais la commissaire Hogue a accepté de rappeler le directeur du SCRS, David Vigneault, pour répondre à des questions additionnelles sur certains documents.

David Vigneault en comité parlementaire à Ottawa.

David Vigneault, directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

Un premier rapport sur les conclusions de la commission est attendu le 3 mai. La juge Hogue orientera ensuite son enquête vers des questions politiques plus étendues en examinant la capacité du gouvernement fédéral à détecter, à dissuader et à contrer l'ingérence étrangère. Un rapport final est attendu d'ici la fin de l'année.

Le gouvernement Trudeau a accepté de tenir cette enquête au début de l'été à la suite de plusieurs mois de pression de l'opposition et de la démission du rapporteur spécial sur l'ingérence étrangère, David Johnston.

Nommé par le premier ministre Justin Trudeau, M. Johnston estimait qu'il n'y avait pas matière à lancer une enquête publique sur l'ingérence étrangère, notamment en raison de la sensibilité des informations concernées. Il avait démissionné en juin dernier, peu de temps après un vote de la majorité des députés de la Chambre, qui réclamaient son départ.

Avec les informations de La Presse canadienne

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