•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Les défis de SaltWire, une situation qui fait mal à l’information locale

Une personne lit le journal

Depuis 15 ans, le nombre d'abonnés est en baisse. Lire le journal papier est une habitude qui se perd chez les Canadiens.

Photo : Radio-Canada / Julie Sicot

Le groupe SaltWire est endetté et a décidé lundi de se protéger contre ses créanciers. Si le groupe ne redresse pas la barre, c’est une vingtaine de publications locales, quotidiennes ou hebdomadaires qui pourraient disparaître. Un coup dur pour l’information locale.

Il y a The Chronicle Herald à Halifax en Nouvelle-Écosse, The Telegram à Saint-Jean à Terre-Neuve et The Guardian à Charlottetown à l'Île-du-Prince-Édouard. Ces vaisseaux amiraux couvrent, en anglais, les informations de trois capitales dans les provinces de l’Atlantique.

À ces journaux s’ajoutent, en Nouvelle-Écosse, The Cape Breton Post et des éditions hebdomadaires dans la vallée d’Annapolis, à Summerside, à New Glasgow, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse ou encore à Truro et les comtés de Kings et Hants. Le groupe SaltWire publie aussi quelques éditions locales comme le Journal Pioneer.

Un trou dans le marché régional

Ce ne sont pas des journaux sans importance, commente Stephen Kimber, professeur de journalisme au King’s College en Nouvelle-Écosse. Il craint que la situation financière du groupe n'entraîne une lente et douloureuse disparition de ces titres. Il va y avoir un grand trou dans le marché du journalisme dans cette région.

J’ai appris la nouvelle sur Facebook, dit Bill Niven, un abonné du Chronicle Herald depuis 27 ans. C’est ironique, car je suis un grand admirateur du journal papier.

Quand j’ouvre le journal, cela me donne tout de suite un sens de la communauté, de cohésion sociale, et nous en avons besoin en ce moment, affirme-t-il.

Image du titre du journal en gros plan

En une, The Chronicle Herald mentionne fièrement qu'il existe depuis 1824, soit depuis près de 200 ans.

Photo : Radio-Canada / Julie Sicot

À l'Île-du-Prince-Édouard, Alison Jenkins fait partie des journalistes qui ont écrit pour ces publications. Elle a travaillé pour The Guardian durant la pandémie, un moment critique dans l’histoire de l’île, qui lui a donné l’impression qu’il y a une vraie place pour le journalisme local.

La presse en crise

La situation financière de ces journaux a été relayée mardi matin à l’Assemblée législative de l’Île-du-Prince-Édouard par le député libéral et chef de l’opposition, Hal Perry. Depuis près de 160 ans, à l'ère des fake news et des sources peu fiables, la présence de deux journaux comme le Journal Pioneer et The Guardian est extrêmement importante.

L’élu en a aussi profité pour attaquer les conservateurs qui verraient, selon lui, la presse indépendante comme un ennemi. Les conservateurs fédéraux ont laissé entendre à plusieurs reprises que CBC pourrait subir des compressions sous leur mandat.

Les bureaux du Guardian.

The Guardian, à l'Île-du-Prince-Édouard, est l'un des journaux qui appartiennent au groupe médiatique SaltWire.

Photo : Radio-Canada / Natalia Goodwin

De plus, le groupe n’est pas le seul dans le paysage médiatique à subir des pressions politiques ou financières. On vit une crise des médias. C’est vraiment une nouvelle qui s’ajoute à une longue liste depuis 15 mois au Canada, analyse Marie-Linda Lord, professeure au programme d’information-communication à l’Université de Moncton. Elle fait notamment référence aux compressions budgétaires annoncées chez CBC/Radio-Canada et Bell Media.

Une économie instable

SaltWire est un poids lourd de la presse dans l’est du Canada. Il a été créé en 2017 quand le propriétaire du Chronicle Herald a racheté les titres de Transcontinental Media pour plus de 33 millions de dollars. À cette époque, près de 650 employés se sont retrouvés dans le même groupe.

La société d’investissements Fiera Private Debt, principal prêteur de l’entreprise, a indiqué lundi ne plus avoir confiance dans la direction des journaux. Elle a lancé un ultimatum aux dirigeants en janvier, en demandant à voir un plan de redressement. Cette stratégie n'a jamais vu le jour, d’où le dépôt d’un dossier devant les tribunaux.

Mais pour SaltWire, qui vient de demander la protection contre ses créanciers, ces mesures vont permettre de restructurer les finances.

Je ne connais que les éléments rudimentaires de la protection des créanciers, de la solvabilité et de ce genre de choses, mais il y a un délai dans lequel ils peuvent travailler pour voir quel genre de solutions ils peuvent trouver, donc nous sommes tous dans l'expectative pour l'instant, explique Willy Palov, le président du syndicat Typographical Halifax Union.

Il concède que les temps sont difficiles, mais que les éléments transmis par l’entreprise invitent à l'optimisme.

Pour le professeur Stephen Kimber, les dirigeants ont eu les yeux plus gros que le ventre lors de cet achat, qui est survenu dans un contexte déjà difficile pour la presse, avec la baisse des revenus publicitaires, les changements d'habitude des consommateurs et la pression des réseaux sociaux.

C’est une démarche pour ces publications de convaincre les Canadiens qu’il faut payer pour une nouvelle ou une enquête, ajoute Brian Daly, également professeur de journalisme à King’s College.

Le professeur donne une entrevue devant le bâtiment principal de l'université.

Brian Daly enseigne le journalisme à l'Université King's College d'Halifax.

Photo : Radio-Canada / Adrien Blanc

La directrice du journal La Voix acadienne, Marcia Enman, connaît ce contexte difficile. La publicité n’est pas assurée aujourd’hui, que ce soit pour les journaux anglophones ou francophones, alors je choisis mes dépenses, j’économise autant que possible. J’aime mieux assurer le futur avec un plus petit journal, qu’essayer de faire un plus gros journal plein de couleurs.

Peut-être que SaltWire a pris des risques, peut-être pas assez calculés, mais la situation est difficile pour tout le monde, analyse Marie-Linda Lord, qui ajoute que les abonnements du groupe sont en baisse depuis près de 15 ans.

Les abonnés devraient être inquiets, tout comme le monde politique et les citoyens. On ne le dit jamais assez, mais les journaux sont les garants de la qualité de la démocratie dans laquelle on vit ici, au Canada, ajoute Mme Lord.

Ce n'est pas la première fois que nous sommes confrontés à ce genre de situation. Nous avons eu une grève d'un an et demi en 2016-2017, et environ la moitié des membres de notre syndicat ont quitté l'entreprise ou se sont lancés dans d'autres projets. Nous sommes donc un peu aguerris au processus, pour le meilleur et pour le pire, ajoute le syndicaliste Willy Palov.

Cet épisode est une nouvelle tempête à traverser pour certains titres du groupe qui existent depuis presque deux siècles.

Avec les informations d'Adrien Blanc, Gabrielle Drumond et CBC

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre ICI Acadie

Une fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité régionale.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre d’ICI Acadie.