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Comment aider les enfants « difficiles » à s’ouvrir les papilles?

Un petit garçon refuse de manger un sandwich.

Selon plusieurs études réalisées à travers le monde, de 25 à 33 % des enfants présentent un défi alimentaire avant l’âge de 10 ans. (Photo d'archives)

Photo : Getty Images / skynesher

Votre enfant est perçu comme étant difficile, sélectif et capricieux par les membres de la famille et l’entourage? Il existe des explications à ce comportement alimentaire et des solutions pour les parents qui se prennent la tête lorsque vient l’heure des repas.

Emma, 8 ans, est la deuxième enfant d’une fratrie de quatre. Contrairement à ses frères et sœurs, elle ne mange aucun légume cuit et résiste à toute tentative de ses parents de lui faire avaler des plats en sauce. Goûter à de nouveaux aliments? Non merci. Elle n’en a que pour les pâtes blanches, le pain et les crudités.

Je faisais ses propres purées. Je remarquais déjà qu’elle ne mangeait pas autant que sa grande sœur, que ce n’était pas aussi varié, que c'était plus sélectif, se rappelle la mère d’Emma. Puis, plus les aliments solides sont arrivés, moins elle voulait manger. C’était les textures qui étaient difficiles, ajoute-t-elle.

Emma n’est pas la seule enfant à connaître des difficultés alimentaires. Selon plusieurs études réalisées à travers le monde, de 25 à 33 % des enfants présentent un défi alimentaire avant l’âge de 10 ans.

On a quelque chose qu'on appelle la "néophobie alimentaire", qui fait partie du développement normal de l'enfant, explique Cosette Gergès, nutritionniste.

Ça commence vers l’âge de 18 mois, même si la littérature réfère davantage à 2 ans. C’est une phase qui va atteindre un pic vers trois ou quatre ans, puis ça va diminuer et disparaître normalement lorsque l’enfant rentre à l'école, précise la cofondatrice de Nutritionnistes en pédiatrie, en ajoutant que chez à peu près 6 % des enfants, ça dure un petit peu plus longtemps.

L’enfant qui présente des comportements associés à la néophobie alimentaire se montre réfractaire à certains types d’aliments.

Ça peut aller vers le dédain des légumes, la difficulté à mastiquer ou à apprécier les viandes parce que, de par leur texture, ça peut être un peu plus difficile pour l'enfant de mastiquer ce genre d'aliments.

Une citation de Cosette Gergès, cofondatrice de Nutritionnistes en pédiatrie

Les légumes sont souvent en tête du palmarès des mal-aimés chez les enfants. C’est à cause de leur amertume. C'est un goût qu'on développe chez les enfants. Ce n'est pas inné comme aimer les aliments un peu plus sucrés comme le pain, les pâtes, le riz, précise-t-elle.

Si la néophobie alimentaire chez les enfants est passagère et attendue, certains développent des comportements plus problématiques en lien avec l’alimentation. On parle alors de sélectivité alimentaire.

La sélectivité alimentaire, c’est dans les cas où ça va se perpétuer dans le temps. C’est un enfant dont la liste d’aliments acceptés va diminuer. Il va éliminer complètement un groupe alimentaire. C’est par exemple un enfant qui ne mange aucune céréale et aucune viande. Ce n’est pas juste un petit défi, ça devient une difficulté, explique Cosette Gergès.

Des pâtes blanches dans une assiette.

Aimer des aliments sucrés comme les pâtes, le pain et le riz est plus naturel pour les enfants. (Photo d'archives)

Photo : iStock / Vasin Hirunwiwatwong

Des répercussions sur la famille

La petite Emma vit avec la sélectivité alimentaire, ce qui a eu des retombées sur toute sa famille.

Ça n’a pas toujours été joyeux de passer à table, confie sa mère, Isabelle Ouellette-Roy.

Même encore aujourd’hui, ça a des répercussions sur la fratrie. Les plus jeunes refont ce que la grande sœur fait. Ils vont dire "j’aime pas ça" et repousser leur plat, alors qu’on sait qu’ils aiment ce qu’il y a dans l’assiette, ajoute-t-elle.

Comme manger est une activité cruciale de la vie quotidienne et qu’il s’agit aussi d’une partie intégrante de la vie familiale et sociale, les parents éprouvent souvent beaucoup d’inquiétudes face à cette difficulté chez leur enfant. La planification des repas devient une grande source de stress.

Chaque fois qu’on allait souper ailleurs, j’avais la pression de savoir ce qui allait être servi. Je ne voulais pas imposer à l’hôte de changer le menu, mais je devais prévoir un autre repas.

Une citation de Isabelle Ouellette-Roy, mère d'Emma

Quand ça perdure, l'enfant a malheureusement une petite étiquette d’enfant difficile ou capricieux, que je déteste parce qu'ils ne sont pas difficiles : c’est manger qui est difficile, insiste la nutritionniste Cosette Gergès.

Elle note que l’enfant est dans sa phase de découverte de l’alimentation, qu’il est en apprentissage. Il faut juste l'accompagner dans cet apprentissage qui peut prendre plusieurs années, poursuit-elle.

Le retour aux heures de repas paisibles commence d’ailleurs par la patience devant l’enfant qui refuse un aliment. Lorsqu'on les oblige à aller plus vite que leur rythme, c'est là où ça ne fonctionne pas, parce que nos attentes ne correspondent pas à leur développement actuel, explique la nutritionniste.

La théorie indique à ce chapitre qu’il faut compter au moins 15 à 20 expositions avant qu’un enfant décide de goûter à un aliment.

Mais ça, c'est la théorie, précise Mme Gergès. Parfois, il va arriver que votre enfant goûte à l’aliment à la 585ᵉ fois!

Il y a des stratégies qui peuvent inciter l’enfant à apprécier l’alimentation familiale. Il est notamment conseillé de mettre des crudités sur la table à chaque repas, et le dessert au début.

L’enfant va pouvoir gérer sa faim et prévoir. Il va cesser de demander "c’est quoi le dessert?". Le but est de ne mettre aucun aliment sur un piédestal. La première fois, il va peut-être se garrocher sur le biscuit, mais au fur et à mesure, il va s’habituer, explique Cosette Gergès.

Aux parents qui doivent composer avec ces défis, la spécialiste recommande de faire attention aux repas de style gibelotte brune et surtout d’éviter les portions trop généreuses.

Ce qui freine un peu l’enfant à vouloir découvrir de nouveaux aliments, c’est qu’il y en a trop dans l’assiette. On veut qu’il se connecte avec ses signaux et dise : "Maman, j’ai encore faim." Donc, c’est mieux de portionner l’assiette de l’enfant.

Un bébé prend une fraise dans sa main.

Plusieurs enfants éprouvent des difficultés en lien avec l’alimentation. Mais un enfant dit difficile vit peut-être avec la néophobie ou la sélectivité alimentaire, soit la crainte des nouveaux aliments. (Photo d'archives)

Photo : iStock

Drapeaux rouges pour les parents : quand consulter?

Vous ne savez plus quoi faire pour amener votre enfant à manger et c’est la crise à chaque repas? Vous avez essayé plusieurs stratégies, avec peu de résultats? Une consultation auprès d’une nutritionniste ou d’un ergothérapeute pourrait s’avérer bénéfique.

Avec l'ergothérapeute, on est partis de la base, explique Isabelle Ouellette-Roy, qui a choisi de consulter des experts. Même moi, j'en ai appris sur comment introduire un aliment.

Nous, on va regarder l’aspect sensoriel et comment l’enfant interagit, explique Véronique Pépin, ergothérapeute.

Tolère-t-il les goûts, la texture dans la bouche, les odeurs, le toucher? Parfois, les enfants ne veulent même pas regarder un aliment parce que l’expérience visuelle est trop difficile, fait remarquer cette spécialiste du Groupe Ergo Ressources.

Si la sélectivité alimentaire présente chez un enfant va jusqu’à entraîner des carences nutritionnelles, une perte de poids, un enjeu pour la croissance ou encore des symptômes d’anxiété importants, il peut s’agir d’un trouble alimentaire appelé trouble de comportement de restriction ou évitement de l’ingestion d’aliments.

Mieux connu sous son acronyme anglais ARFID (Avoidant and Restrictive Food Intake Disorder), ce trouble alimentaire est inscrit depuis 2013 dans le DSM, le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Il est alors recommandé aux parents de consulter un professionnel de la santé comme un psychologue ou un médecin.

Au CHU Sainte-Justine, à Montréal, l’ergothérapeute Karine Brais traite les cas moins fréquents et plus complexes de sélectivité.

On a développé une grande expertise d’intervention auprès de la clientèle ayant des sélectivités alimentaires plutôt sévères. Le traitement le plus optimal est en équipe multidisciplinaire avec nutritionniste, ergothérapeute et psychologue, fait-elle valoir.

Au cours de sa pratique, l'ergothérapeute a noté que l'on peut retrouver des traits de sélectivité alimentaire chez un des deux parents à l’occasion. J’ai observé cela dans ma pratique avec des cas plus légers. Mais ceci n’est qu’une observation clinique et aucune donnée probante scientifique n'est disponible pour faire une corrélation, précise Karine Brais.

Précision

Le paragraphe précédent a été modifié après la publication de l'article afin de bien indiquer que l'experte évoque un constat personnel et non pas les résultats d'études.

Du progrès

Dans la famille d’Isabelle Ouellette-Roy, une ambiance décontractée flotte aujourd’hui autour de la table.

Chaque année, on se rend compte que – oups! – elle mange un petit peu plus, lance fièrement la mère d’Emma. Elle ne mange pas varié, mais elle va accepter plus de choses dans son assiette. Les recommandations qu'on a eues, c'est effectivement de lui présenter le même repas que tout le monde. Mais si c'est de façon déconstruite, pourquoi pas?

On peut mettre en place un environnement qui est plus propice à la découverte de l'alimentation dans le plaisir pour l'enfant, suggère fortement Cosette Gergès

Le plaisir, c'est le véhicule qui va amener notre enfant à vouloir explorer les aliments qui sont encore peut-être trop nouveaux à ses yeux.

Une citation de Cosette Gergès, cofondatrice de Nutritionnistes en pédiatrie

Le reportage de Julie Perreault, Johane Despins et Dany Croussette présenté à l'émission « L'épicerie »

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