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La CSN veut « inspirer » Québec à soutenir les médias d’information

La centrale syndicale propose de soutenir le financement des médias en imposant une redevance sur l’achat de tout appareil électronique ainsi que sur la vente de services Internet et mobiles.

Un microphone de radio.

Devant l’ampleur de la crise qui secoue le secteur des médias d’information, les différents ordres de gouvernement doivent sans délai prendre des mesures, plaident la Confédération des syndicats nationaux et la Fédération nationale des communications et de la culture.

Photo : Radio-Canada

À l'approche du budget du ministre des Finances Eric Girard, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) propose à Québec des mesures pour aider médias et journalistes à surmonter « la crise » qui frappe l'information, une menace à l'équilibre démocratique, dit le syndicat.

Pour nous, ce n'est pas juste une crise des médias, c'est une crise de l'information, a expliqué Caroline Senneville, présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), à Tout un matin sur les ondes d'ICI Première mardi. On s'en va vers des déserts d'information dans certaines régions.

La CSN, de concert avec la Fédération nationale des communications et de la culture (FNCC), suggère au gouvernement du Québec cinq mesures pour soutenir les médias, qui ont perdu dans les dernières années les trois quarts de leurs revenus, dit Caroline Senneville. Mais ils ne sont pas devenus moins pertinents.

Entre 2012 et 2021, ce sont 800 millions de dollars en revenus publicitaires qui ont quitté le système, qui sont passés par le trou, pourrait-on dire, tous médias confondus.

Une citation de Annick Charette, présidente de la FNCC–CSN

La sortie de la centrale syndicale et de son syndicat affilié se produit à ce moment-ci parce que le budget [du gouvernement Legault] s'en vient, dit sans ambages Mme Senneville. Évidemment, on veut leur donner des idées. Les syndicats espèrent en outre que ces suggestions, faites en particulier aux ministres des Finances et de la Culture et des Communications, Eric Girard et Mathieu Lacombe, inspirent les autres ordres de gouvernement.

Toutes les idées méritent d'être étudiées, a déclaré en mêlée de presse mardi, à l'Assemblée nationale, le ministre Lacombe. Ce dernier a affirmé qu'au Québec, au Canada et au sein de l'Organisation de coopération et développement économiques (OCDE), les gouvernements regardaient ce qui pouvait être fait et que des mesures à court terme s'imposaient. Mais il a refusé de dire s'il y en aura dans le prochain budget du Québec.

Taxer la vente d'appareils électroniques?

Dans un premier temps, les syndicats pressent Québec de reconduire le programme qu'il avait instauré en octobre 2019, par lequel il accorde un crédit d'impôt de 35 % sur la masse salariale des journalistes, photographes et graphistes de la presse écrite et électronique. À ce jour, rien n'indique que le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) compte prolonger cette mesure fiscale, s'inquiète Caroline Senneville.

Une mesure qui doit maintenant être élargie aux travailleurs de la radio et de la télévision, poursuit-elle. Car, ayant été la première à faire l'objet de réductions budgétaires et d'abolitions de postes au cours des dernières années, la presse écrite a été le canari dans la mine, image-t-elle. C'est maintenant au tour des médias électroniques de goûter à cette dure médecine.

D'autre part, la CSN et la FNCC souhaitent qu'on accorde des déductions d'impôts aux annonceurs privés qui achètent de la publicité dans les médias locaux, et que Québec se dote d'un programme qui l'incite à acheter cette publicité également.

Le gouvernement doit cesser d'acheter de la publicité dans des multinationales qui bafouent nos lois et l'état de droit au Canada, a expliqué Mme Senneville en conférence de presse à Québec mardi.

Enfin, la CSN préconise de soutenir le financement des médias d'information avec l'imposition d'une redevance, un "infofrais" de 2 %, à l'achat de tout appareil électronique (tablettes, téléphones et ordinateurs), ainsi que sur la vente de services Internet et mobiles. Ce mécanisme de contribution-redevance générerait des revenus de 200 millions de dollars, estime la centrale syndicale, qui pourraient être redistribués à l'ensemble des médias québécois.

L'information, c'est absolument nécessaire dans une société démocratique. [...] C'est carrément l'existence de l'information qui est en péril, plaide Caroline Senneville.

Vague de mises à pied et de compressions budgétaires

La FNCC–CSN regroupe 6000 membres dans 80 syndicats dans les domaines des communications, du journalisme et de la culture. Sa présidente, Annick Charette, a cité entre autres chiffres qu'au Québec, le secteur de la presse écrite était passé de 14 000 à 5000 emplois de 2005 à 2023, faisant passer le nombre de quotidiens de 17 à 14 et le nombre d'hebdomadaires de 144 à 87.

En moins de six mois, les nouvelles de compressions et de mises à pied se sont succédé dans le secteur de l'information.

Façade d'un immeuble de Bell Canada.

Alors que l'industrie des médias électroniques traverse l'une des pires tempêtes de son histoire, le géant des télécommunications BCE a annoncé la suppression de 4800 postes le 8 février dernier. (Photo d'archives)

Photo : The Canadian Press / Sean Kilpatrick

Plus tôt ce mois-ci, le conglomérat BCE avait annoncé l'abolition de 4800 postes, soit 9 % de sa main-d'œuvre, sa plus importante restructuration en 30 ans. De plus, s'il obtient le feu vert du CRTC, le groupe entend vendre 45 de ses 103 stations de radio régionales situées principalement au Québec, en Ontario, en Atlantique et en Colombie-Britannique.

Transcontinental annonçait le 1er février 2024 la fermeture de son usine d'impression de Saint-Hyacinthe. L’entreprise invoquait la fin du Publisac pour justifier cette fermeture. Les 190 employés de l’usine perdront leur emploi en avril.

Au début de décembre, CBC/Radio-Canada annonçait l'abolition de 600 emplois et de 200 postes vacants, ce qui représente environ 10 % du personnel. Le diffuseur public citait des pressions budgétaires de près de 125 millions de dollars prévues pour l’exercice 2024-2025.

En novembre, le Groupe TVA annonçait la mise à pied de 547 employés, soit près de 40 % de son effectif, dans une restructuration impliquant la refonte de son secteur de l'information, la fin de ses activités de production interne de contenu de divertissement et l'optimisation de son parc immobilier.

Toujours en novembre, les Coops de l'information annonçaient l'abandon de toutes leurs publications en format papier pour faire migrer l'ensemble de leurs activités sur Internet.

Enfin, en septembre dernier, le glas sonnait pour Métro Média, entraînant dans sa chute le journal Métro et d'autres publications régionales.

Souhaite-t-on laisser la capacité de nous informer à Elon Musk?

Une femme en conférence de presse parle au micro.

Annick Charette préside la FNCC-CSN qui regroupe 6000 membres dans 80 syndicats dans les domaines des communications, du journalisme et de la culture. Elle affirme que les pertes enregistrées dans l'écosystème médiatique privent les communautés d'information sur des sujets tels que la politique municipale.

Photo : Radio-Canada

Annick Charette de la FNCC affirme que l'écosystème médiatique va connaître des changements. C'est sûr qu'on ne maintiendra pas tout, dit-elle. Mais une mesure comme un crédit d'impôt est nécessaire à court terme, explique-t-elle. Sinon, ça va s'éteindre à une vitesse tellement vite qu'on n'aura pas le temps de rattraper.

Elle cite en exemple la disparition du journal Métro, et celle d'autres journaux de quartier, qui jouaient un rôle essentiel dans les communautés qu'ils desservaient.

Il n'y a plus personne qui couvre la politique municipale à Montréal, depuis que Métro Média est disparu.

Une citation de Annick Charette, présidente de la FNCC-CSN

Et, ajoute-t-elle, c'était le seul média qui entrait dans beaucoup de foyers qui ne parlaient ni français ni anglais. Ils étaient exposés au français. Et ce rôle s'ajoute à celui d'informer, insiste Mme Charette.

Est-ce qu'on souhaite laisser la capacité de nous informer à des gens comme Elon Musk?

Inquiétudes au sujet de L’Initiative de journalisme local

Vendredi dernier, CBC rapportait les inquiétudes de nombre de salles de rédaction indépendantes au pays quant au sort du programme d'Initiative de journalisme local (IJL), créé en 2019 par Patrimoine Canada, et qui doit expirer fin mars.

Le gouvernement de Justin Trudeau s'est refusé la semaine dernière à indiquer s'il le renouvellera.

Au total, plus de 400 journalistes travaillent dans près de 300 médias desservant environ 1400 communautés, localement, a déclaré à CBC Paul Deegan, président et directeur général de Médias d'Info Canada, l'un des organismes sans but lucratif mandaté par Ottawa pour administrer le budget de 50 M$ sur cinq ans alloués à l'IJL.

Franchement, il n'y a rien au niveau fédéral actuellement qui permettrait de remplacer ce programme de calibre mondial qui fait l'envie d'autres pays, a ajouté M. Deegan.

La perspective qu'Ottawa supprime l'IJL sème l'effroi au sein de médias tels que le Courrier Laval, qui qualifiait mardi dans ses pages ce scénario de cauchemardesque. Au Courrier Laval, plus de la moitié des quatre postes de journalistes sont financés grâce au programme fédéral. D'éventuelles pertes d'emplois toucheraient notamment des jeunes qui travaillent à la transformation numérique de ce média, fondé il y a près de 80 ans.

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