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Archives29 mai 2013 : Décès du docteur Henry Morgentaler

Le Dr Morgentaler se tient devant une bannière pro-choix.

Henry Morgentaler, médecin canadien et militant pro-choix, est décédé le 29 mai 2013.

Photo : Radio-Canada

Radio-Canada

Le 29 mai 2013 décédait à Toronto le Dr Henry Morgentaler à l'âge de 90 ans. Il a été un défenseur convaincu du droit des femmes à obtenir légalement un avortement au Canada. Son combat, on le constate en visionnant nos archives, ne s’est pas fait sans heurt.

Un combat pour rendre légale la pratique de l'avortement

Il faut encore que les femmes se rendent chez des charlatans, qui sont responsables de la majorité des lésions qui arrivent. Donc, des morts et de blessures graves [...].

Une citation de Henry Morgentaler, 1971

Femme d'aujourd'hui, 24 mai 1971

Ce commentaire est fait à la journaliste France Nadeau durant l'émission Femme d'aujourd'hui du 24 mai 1971 par un homme qui a fait de la légalisation de l’avortement au Canada un des grands combats de sa vie.

Au Canada, ce n’est en effet qu’en 1988 qu’une décision de la Cour suprême décriminalise totalement l’avortement.

Avant ce jugement du plus haut tribunal du pays, les actes d’avortement étaient souvent pratiqués dans des conditions sordides, dangereuses, voire mortelles pour les femmes.

Cette situation choque le médecin immigré au Canada en 1950.

Survivant de l’Holocauste, Henry Morgentaler commence à pratiquer la médecine familiale à Montréal en 1955.

Il prend alors peu à peu connaissance des conditions effroyables dans lesquelles les avortements clandestins sont pratiqués un peu partout au Canada.

En 1967, le Dr Morgentaler demande à la Chambre des communes du Canada de modifier la loi fédérale sur l'avortement.

En 1969, le gouvernement du Canada autorise la pratique de certains avortements dans des hôpitaux quand la vie de la mère est en danger.

Cette ouverture vers ce qu'on appelle alors des avortements thérapeutiques ne satisfait cependant pas le médecin.

Comme Henry Morgentaler le dit à la journaliste France Nadeau, la modification de la loi concerne seulement 2 % des actes d'avortement.

Le reste continue de se pratiquer dans des conditions déplorables.

Pour obtenir un avortement sécuritaire, les Canadiennes doivent se rendre dans des cliniques aux États-Unis et c'est très cher, déplore le médecin.

Un combattant convaincu qu'on cherche à abattre

Il n'y a personne qui est pour l'avortement, comme il n'y a personne qui est pour la chirurgie du cerveau ou pour une amygdalectomie. On est pour le droit des femmes à avoir un avortement dans de bonnes conditions médicales et psychologiques.

Une citation de Dr Henry Morgentaler, 1976

Dans ce contexte, Henry Morgentaler ouvre en 1969 à Montréal une clinique qui pratique des avortements considérés comme illégaux, car non thérapeutiques.

Il est poursuivi par le gouvernement du Québec, qui intente trois procès contre lui pour des actes médicaux illégaux qui le mèneront en prison pendant 18 mois.

En 1974, le médecin est acquitté par un jury, avant d'être reconnu coupable en Cour d'appel, puis acquitté de nouveau par un jury.

Le 60, 14 décembre 1976

Le 14 décembre 1976, l’émission Le 60 présente une interview de l’animateur André Payette avec Henry Morgentaler, qui revient sur ces poursuites judiciaires.

Les ministres de la Justice du Canada et du Québec, Otto Lang et Jérôme Choquette, l’ont persécuté, affirme le médecin.

Il soupçonne même que des directives ont été données aux gardiens de prison pour rendre ses conditions de détention très difficiles.

J'ai même été mis au trou, rappelle Henry Morgentaler. Des gens opposés idéologiquement à ma position ont cherché à m’abattre, croit fermement le médecin.

Une attaque à Toronto

Les années passent...

Le Dr Henry Morgentaler accuse les adversaires de l’avortement d’être responsables de l’explosion qui a détruit sa clinique de Toronto très tôt ce matin.

Une citation de Charles Tisseyre, animateur du Téléjournal, 18 mai 1992

Le téléjournal, 18 mai 1992

En ce matin du 18 mai 1992, comme le rappelle le reportage du journaliste Marc-André Masson présenté au Téléjournal, la clinique torontoise du Dr Morgentaler est un champ de ruines.

L’endroit est si endommagé que les pompiers refusent de s’y aventurer de peur que l’édifice s’écroule sur eux.

On écarte la possibilité d’un accident provoqué par une fuite de gaz.

Les policiers qui enquêtent croient plutôt qu’ils doivent se concentrer sur une piste criminelle.

C’est toute la controverse entourant l’existence de la clinique du Dr Morgentaler à Toronto qui pousse les policiers à privilégier cette hypothèse, et le médecin partage leur opinion.

Derrière cette déflagration se cache la volonté de militants pro-vie de faire cesser les activités de la clinique.

Henry Morgentaler décrit dans le reportage ces militants comme des éléments réactionnaires, des fanatiques religieux, qui sont opposés aux droits des femmes.

Depuis les procès au Québec, le mouvement pro-vie a perdu plusieurs batailles juridiques pour tenter d’interdire totalement l’avortement au Canada.

Bataille juridique et constitutionnelle

Revenons 10 ans en arrière.

Première page, 23 novembre 1982

Comme le montre ce reportage de la journaliste Rachel Verdon, présenté à l’émission Première page le 23 novembre 1982 et animé par Louis Martin, le Dr Henry Morgentaler est alors parti en croisade à Toronto.

On peut se faire avorter à Toronto et ailleurs en Ontario, mais l’accès à cette intervention y est restreint.

Les médecins ontariens qui pratiquent cet acte sont notamment susceptibles d’être poursuivis en justice en vertu de l’article 251 du Code criminel canadien.

Ce dernier impose d'obtenir une autorisation de la part des comités thérapeutiques et de pratiquer cet acte dans un hôpital.

Or, à l’époque, en Ontario, les quotas autorisés par les comités thérapeutiques sont bien inférieurs à la demande à cause des pressions exercées par le mouvement pro-vie.

Par ailleurs, si les hôpitaux juifs pratiquent des avortements, ceux de religion catholique les interdisent.

Des médecins qui ignorent les exigences de l'article 251 peuvent se voir intenter un procès.

La situation est plus ou moins similaire dans les autres provinces du Canada anglais.

Le Dr Morgentaler veut donc spécifiquement que l’Ontario – et par la suite les autres provinces du Canada anglais – libéralise ses lois sur l’accès à l’avortement, comme l’a déjà fait le Québec.

Après la diffusion du reportage de Rachel Verdon en 1982, le contexte juridique évolue et ouvrira la porte à la décriminalisation de l’avortement au Canada.

En 1988, la Cour suprême du Canada rend inconstitutionnel l’article 251 du Code criminel canadien. La pratique de l'avortement est dans les faits légalisée.

La décision se fonde sur le principe que l’article 251 enfreint la Charte canadienne des droits et libertés notamment parce qu’il contrevient à la notion de sécurité des femmes.

En 1989, les juges de la Cour suprême du Canada confirment par leur décision dans Tremblay c. Daigle que le fœtus ne possède aucune identité juridique avant la naissance.

Cette décision enlève un argument légal de poids au mouvement pro-vie.

En 1990, le gouvernement de Brian Mulroney tente de restreindre une fois de plus l’avortement au Canada.

Son projet de loi est cependant rejeté par le Sénat.

En 1992, la clinique torontoise du Dr Morgentaler est donc parfaitement légale.

Voilà qui rend furieux plusieurs militants pro-vie.

Un affrontement qui va se poursuivre

Le téléjournal, 19 mai 1992

Le lendemain de l’anéantissement de la clinique, le 19 mai 1992, comme le souligne ce reportage du journaliste Marc-André Masson présenté au Téléjournal et animé par Bernard Derome, la police confirme la nature criminelle de l’explosion.

La réaction est vive.

En face du site où a eu lieu l’attentat, des centaines de militants pro-choix manifestent leur appui à Henry Morgentaler.

Le médecin jure qu’il va reconstruire sa clinique. Il a cependant besoin de 250 000 $ pour y arriver.

Le gouvernement de l’Ontario devance une annonce déjà prévue et confirme qu’il va appuyer financièrement la décision d’Henry Morgentaler.

L’attentat de Toronto ne fait rien pour combler le fossé entre partisans pro-choix et militants pro-vie.

En 2008, Henry Morgentaler reçoit l'Ordre du Canada.

Sa nomination soulève l'indignation dans le milieu pro-vie.

Trois personnalités, dont le cardinal Jean-Claude Turcotte, remettent même leur distinction à titre de protestation.

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